L. Nunes de Almeida
Président du Tribunal Constitutionnel du Portugal

Le développement de l’idée d’État de droit démocratique et l’application des principes qui en découlent par le Tribunal Constitutionnel portugais

Le Tribunal Constitutionnel portugais pendant ses vingt ans d’activité a eu souvent recours aux principes constitutionnels. D’ailleurs c’est la Constitution elle-même qui considère inconstitutionnelles non seulement les normes qui violent les dispositions de la Constitution mais aussi celles qui sont contraires aux principes y consignés.

Ainsi, l'inconstitutionnalité peut découler non seulement de la violation de normes constitutionnelles comme aussi de l'infraction de principes. Certains de ces principes se trouvent en tant que tels clairement exprimés dans la Constitution : outre le principe de l'indépendance nationale et les principes concernant les relations internationales - respect des droits de l'homme, autodétermination, non-ingérence, etc. -, les principes en matière d'organisation économique et sociale et les principes de droit électoral, on peut indiquer le principe de l'universalité des droits fondamentaux, le principe d'égalité ou le principe de l'impartialité de l’administration. Mais le Tribunal Constitutionnel ne s'est pas exempté à extraire d’autres principes de la Constitution, les déduisant de certaines normes constitutionnelles, pour les utiliser comme paramètre de constitutionnalité.

C’est à dire : le Tribunal s’est reconnu le pouvoir d’appliquer la Constitution en utilisant non seulement les règles qu’elle contient et les principes qu’elle énonce de façon explicite, mais aussi ayant recours à des principes d’ordre général qu’il en dégage par interprétation. Voilà un travail d’application de la Constitution qui lui permet une plus grande souplesse, car il ne joue plus avec des règles constitutionnelles plus ou moins concrétisées, mais avec de grands principes nécessairement plus flous et indéterminés ce que lui confère le rôle de les concrétiser et densifier et l’oblige à établir dans sa pratique des limites de self-restraint, pour ne pas piétiner sur les compétences du législateur.

Dans ce contexte, dans beaucoup de cas, le Tribunal a analysé la conformité des normes légales avec des principes constitutionnels extraits de règles de la Constitution ou surtout de l'idée d’État de droit démocratique. Entre eux, le principe de la séparation des pouvoirs, le principe de la réserve de loi, le principe de l'antériorité de la loi, le principe de justice, le principe de congruence, le principe de la sécurité juridique, le principe de la protection de la confiance, le principe de proportionnalité, le principe de la précision des lois, le principe de la protection juridictionnelle des droits et le principe de la dignité de la personne humaine.

À titre simplement exemplificatif, il est possible d'analyser, seulement à l'égard de quelques cas, la façon dont le Tribunal a appliqué certains de ces principes.

Ainsi, le Tribunal a invoqué le principe de la congruence pour exclure que, dans la procédure criminelle, la condamnation en matière civile puisse permettre un plus grand nombre de degrés d’appels que la décision condamnatoire criminelle elle même. Ou le principe de justice pour réaffirmer le droit d'indemnisation des travailleurs dont le contrat de travail est fini par des raisons qui ne leur sont pas imputables et, bien aussi, pour considérer comme travail extraordinaire celui qui est accompli avec la connaissance de l’entrepreneur, malgré l’absence d’un ordre explicite de celui-ci. Ou, encore, le principe de la précision des lois pour rejeter que l’administration puisse discrétionnairement envoyer des fonctionnaires publics vers une bourse d'excédentaires dans la base d'une norme légale ambiguë, qui n’identifiait pas les éléments objectifs de pondération du choix et qui établissait des critères vides et indéterminés, ce qui avait comme conséquence de renvoyer à l’autorité administrative la fonction essentielle de remplir la prévision de la règle et empêchait, en pratique, le contrôle juridictionnel.

Mais, dans ce domaine, et parce que le catalogue des droits fondamentaux est très vaste et complet dans la Constitution portugaise, le Tribunal a eu, principalement, occasion d'appliquer le principe de sécurité juridique et, bien ainsi, le principe de la proportionnalité, celui-ci normalement à propos de l'appréciation de lois restrictives de droits, de libertés et de garanties.

Dans le contexte du principe de la proportionnalité, le Tribunal a eu occasion d'affirmer que ce principe comprend trois aspects : une idée d'adéquation de la restriction à l’objectif de sauvegarder correctement la valeur constitutionnelle, une idée de nécessité ou d’exigibilité de la restriction pour atteindre un tel objectif et une idée de proportionnalité stricto sensu (le coût de la restriction devra être proportionné au bénéfice de la protection avec elle obtenue). Et, en application de ce principe, il a considéré inconstitutionnelle, par exemple, la norme qui établissait l'insaisissabilité totale des pensions de la sécurité sociale, même quand leur quantitatif dépassait manifestement ce minimum tenu comme nécessaire pour garantir une survie condigne, ou la norme qui prévoyait la suspension de fonctions, sans délai maximum, pendant la procédure disciplinaire ; et de ce principe de proportionnalité il a déduit le principe de la nécessité des peines, ce qui l'a conduit, par exemple, à inconstitutionnaliser la punition, comme crime de désertion, de l'abandon de navire marchand par des membres de l'équipage pêcheurs ou, en contrepartie, à accepter, dans certains cas, la non punition de l'interruption volontaire de la grossesse, car les mesures criminelles seulement sont constitutionnellement admissibles quand elles se présentent comme nécessaires, appropriées et proportionnées à la protection d’un certain droit ou intérêt constitutionnellement protégé et dès que cette protection ne puisse pas être garantie d'une autre manière.

En ce qui concerne le principe de sécurité juridique, il n’est pas consacré d'une façon directe et textuelle quand la Constitution énonce les fondements de l'État de droit démocratique. Cependant, la doctrine ainsi que la jurisprudence constitutionnelles soulignent que le principe de sécurité juridique découle nécessairement de l'idée d'État de droit et le considèrent en conséquence consacré par la Constitution.

La jurisprudence constitutionnelle a reconnu le principe de sécurité juridique en tant que conséquence nécessaire de l'État de droit, en faisant référence à «la certitude et sécurité des rapports juridiques» et à «la certitude et sécurité des droits des citoyens et de tous les organismes publics et privés», car «la sécurité est aussi une des valeurs servies par le droit». Cette reconnaissance serait plus tard confirmée, de façon encore plus claire, quand la même jurisprudence est venue affirmer que l'État de droit démocratique «assure sans doute un minimum de certitude en ce qui concerne les droits des personnes et les attentes juridiquement créés et en conséquence la confiance des citoyens et de la communauté en la protection juridique», le citoyen ayant la possibilité de prévoir les interventions de l'État et de s'y préparer, en confiant «que ses actions en conformité au droit établi soient reconnues par l'ordre juridique et ainsi se maintiendront avec toutes leurs conséquences ayant un intérêt juridique».

Cette jurisprudence a été toujours entièrement suivie par le Tribunal Constitutionnel dès le début et il l’a très clairement précisée en disant que la sécurité des citoyens (et leur confiance subséquent en l'ordre juridique) est une valeur essentielle de l'État de droit qui tourne autour de la dignité de la personne humaine - personne qui est l'origine et la finalité du pouvoir et des institutions et que le principe de l 'État de droit démocratique contient entre autres le principe de sécurité juridique qui d'un côté comprend la stabilité des décisions, qui ne peuvent être modifiées que dans les conditions prévues par la loi, et d'un autre côté se traduit dans la nécessaire certitude et prévisibilité par les citoyens des effets juridiques des actes normatifs applicables aux différents rapports de la vie en communauté.

La jurisprudence du Tribunal Constitutionnel en matière de sécurité juridique est visible en plusieurs domaines, par exemple à propos de l'exigence de précision et de clarté des normes juridiques, ce qui a amené à la formulation du principe de la déterminabilité des lois. Mais elle est survenue le plus souvent à propos de l 'application du principe de protection de la confiance en cas de lois rétroactives.

La Constitution portugaise contient plusieurs règles dans lesquelles la rétroactivité de certaines lois est expressément interdite. En premier lieu, la Constitution établit le principe de non-rétroactivité des lois pénales ; en outre, il y a un autre domaine ou la prohibition de la rétroactivité des lois est absolue selon la Constitution - celui des lois restrictives des droits, des libertés et des garanties.

Le Tribunal Constitutionnel a toujours considéré que le principe de non-rétroactivité des impôts n'était pas directement consacré dans la Loi Fondamentale et ne découlait pas indirectement de l'interdiction de rétroactivité des lois restrictives des droits, des libertés et des garanties ou du principe de légalité en matière fiscale et que le principe de protection de la confiance, inhérent à l'idée d'État de droit démocratique, n'excluait pas la possibilité de lois fiscales rétroactives que lorsqu'on était en présence d'une rétroactivité intolérable, portant atteinte de façon inadmissible et arbitraire aux droits et aux attentes légitimement fondés des citoyens contribuables. Cependant la question est aujourd'hui tranchée de façon différente, car en 1997 une révision constitutionnelle a aussi introduit la prohibition formelle de la rétroactivité en matière fiscale.

Hors du domaine pénal, du domaine fiscal et du domaine des lois restrictives des droits, des libertés et des garanties, la jurisprudence constitutionnelle a toujours affirmé que les lois rétroactives ne seront inconstitutionnelles que si elles sont en contradiction avec des règles ou des principes constitutionnels autonomes, dont le principe de la confiance, ce qui est le cas quand la loi porte atteinte, de façon inadmissible, arbitraire ou trop onéreuse, à des attentes légitimes des citoyens, car alors la loi viole ce minimum de certitude et de sécurité que les gens doivent pouvoir attendre dans 1'ordre juridique d'un État de droit, duquel on exige qu'il organise la protection de la confiance dans la prévisibilité du droit, en tant que moyen d'orientation de vie ; ainsi seule une rétroactivité intolérable, inadmissible et arbitraire est jugée interdite, ce qui exclut l'interdiction quand les attentes des citoyens ne sont pas sérieusement fondées, quand elles ne sont pas suffisamment solides ou s'avèrent affaiblies (par exemple, s’il s’agit d’une matière dont le traitement juridique change souvent ou d’une solution très contestée par l’opposition qui fait savoir qu’un changement de majorité impliquera une modification législative).

En application de cette conception du principe de protection de la confiance, conception partagée par la doctrine, le Tribunal Constitutionnel a pourtant jugé non conformes à la Constitution plusieurs lois à effets rétroactifs ou à effets rétrospectifs, par exemple, celle qui sans motif justificatif réduisait le salaire de certains fonctionnaires ou celle qui interdisait le cumul des mandats de maire et de député au Parlement Européen, en ce qui concerne son applicabilité aux mandats en cours. En effet, le Tribunal a toujours considéré que le principe de protection de la confiance pouvait être invoqué non seulement en cas de rétroactivité vraie ou authentique mais aussi en cas de rétroactivité non-authentique ou rétrospectivité, c'est-à-dire en cas d'application d'une loi dans l'avenir à des situations de fait ou à des rapports juridiques actuels non encore terminés.

Cependant le Tribunal Constitutionnel s'est toujours bien gardé de mettre en cause la doctrine déjà établie avant lui par la Commission Constitutionnelle, selon laquelle l'intangibilité de la chose jugée, bien qu'étant un principe découlant de celui de sécurité juridique, n'a pas une valeur absolue, car «sa protection doit se fonder sur des intérêts d'ordre substantiel méritant la prévalence selon le sens dominant dans l'ordre juridique». Le principe d'intangibilité de la chose jugée, en tant qu'expression du principe de sécurité juridique, exige cependant que la loi ne puisse porter atteinte à la chose jugée dans les cas ou, selon la Constitution, toute rétroactivité est interdite, par le biais d'une loi individuelle; en tout état de cause, «une loi générale, en principe, ne devra pas porter atteinte à la chose jugée, sauf volonté contraire du législateur, évaluée en fonction d'intérêts substantiels plus importants» et, de toute façon, «en pratique, l'application de la loi ne pourra être effective que par le biais d'une nouvelle décision juridictionnelle». En outre, une atteinte à la chose jugée ne sera jamais acceptable si la nouvelle loi n’a pas comme objectif de régler aussi les situations futures et ne veut que renverser les décisions concernant le passé.

On peut dire que le Tribunal Constitutionnel fait application de la notion de sécurité juridique surtout par le biais du principe de protection de la confiance, ne faisant pas appel à la notion de protection des droits acquis, le cas échéant déplaçant les affaires les concernant vers la protection de la confiance, celle-ci étant « incompatible avec la privation arbitraire de droits acquis ou avec la privation rétroactive injustifiée de droits»; ce déplacement signifie que l'atteinte aux droits acquis n'est l'objet d'une interdiction que si elle s'avère être arbitraire ou injustifiée.

D'un autre côté, c’est à partir de la combinaison du principe de sécurité juridique et du principe de légalité que le Tribunal est arrivé à déduire les exigences de clarté et précision qui font l 'objet du principe de déterminabilité des lois.

Le Tribunal Constitutionnel a pour la première fois fait appel à ce principe de déterminabilité des lois dans le cadre du contrôle préventif de la constitutionnalité, ou il s'est prononcé pour l'inconstitutionnalité des normes qui accordaient au Gouvernement la possibilité de changer, par acte discrétionnaire, le statut des fonctionnaires des bureaux ministériels pour un statut de fonctionnaires disponibles.

Le Tribunal a alors considéré qu’en certaines matières, dont les domaines pénal et fiscal, ou le principe de légalité est particulièrement important (nullum crimen nulla poena sine lege; null taxation without law) - et aussi le domaine des restrictions aux droits, aux libertés et aux garanties - l'articulation avec le principe de sécurité juridique inhérent à un État de droit démocratique demande que «le degré d'exigence de déterminabilité et de précision de la loi doit être tel qu'il puisse assurer aux destinataires des normes une connaissance précise, exacte et en temps utile des critères légaux dont l'Administration va faire usage, amoindrissant ainsi les risques excessifs qui résulteraient pour ces destinataires d'une norme indéterminée quant aux conditions qui présupposent une action de l'Administration; et qu'il puisse fournir à l'Administration des règles de conduite contenant des critères qui, sans éliminer sa liberté de choix, sauvegardent le noyau dur essentiel de la garantie des droits et intérêts des particuliers constitutionnellement protégés en matière de définition des contours de la prévision normative du précepte. Et finalement, qu'il puisse permettre aux tribunaux un contrôle objectif et effectif de la conformité des actions concrètes de l'Administration en face du contenu de la norme légale qui en est à la base et à l'origine».

En conséquence, bien que le législateur puisse faire appel à des concepts indéterminés quand il établit des restrictions aux droits, libertés ou garanties, ou lorsqu'il prévoit une action discrétionnaire de l'Administration, il doit cependant toujours le faire par le biais d’une loi comprenant un minimum de critères objectifs qui puissent être les bornes de la liberté de choix de l' Administration, de telle façon que les citoyens puissent se rendre compte d'un cadre légal clair et sûr quant à la prévisibilité des options de l'Administration et en même temps que les tribunaux puissent avoir des éléments objectifs suffisants pour émettre un jugement sûr sur la légalité des décisions administratives.

L'exigence de clarté et de précision des lois et de l'existence de limites à l'utilisation de concepts relativement indéterminés a été particulièrement soulignée en matière pénale, en matière fiscale et en matière disciplinaire. À ce dernier propos, on a précisé que «dans un État de droit les citoyens (les citoyens fonctionnaires inclus) ne peuvent jamais rester à la merci de simples actes de pouvoir. Ainsi, quand il s'agit de prévoir des sanctions disciplinaires expulsives (...), les normes légales doivent avoir un minimum de déterminabilité. C'est-à-dire, elles doivent revêtir un degré de précision tel qu'il permette d'identifier le genre de conduites capables d'entraîner l'application de ces sanctions».

En faisant application du principe de sécurité juridique à propos de la protection de la confiance, le Tribunal Constitutionnel a eu l'occasion de souligner qu'il fallait toujours trouver «une juste mise en balance entre la protection des attentes des citoyens qui découle du principe de l'État de droit démocratique et la liberté de constitution et de conformation du législateur, lui aussi démocratiquement légitimé, auquel il faut reconnaître sans aucun doute la possibilité (sinon même le devoir) de tenter l'adéquation des solutions juridiques aux réalités existantes, consacrant les plus sages et les plus raisonnables, quoi qu'elles aient comme conséquence que soient atteints des rapports ou des situations qui jusqu'à ce moment étaient régis d'une autre façon».

On peut trouver ici le souci de mettre en équilibre le principe de sécurité juridique avec deux autres principes aussi importants : le principe démocratique et le principe de justice. Quand le législateur doté d'une légitimité démocratique impose la solution juridique qu'il trouve la plus juste et quand il croit plus convenable de la faire appliquer rétroactivement ou même tout de suite aux rapports en cours, bien que constitués sous l'empire d 'une autre législation, on ne doit pas y voir obligatoirement une violation de la Constitution : il faut peser les intérêts en cause.

D'ailleurs le Tribunal a même fait référence au critère qu'il faut suivre lors de la mise en balance des intérêts en présence. Il souligne que, pour arriver à 1'inconstitutionnalité, une trop onéreuse atteinte aux attentes n'est pas suffisante, le Tribunal ayant remarqué qu'il faut encore que ce caractère onéreux soit «excessif, inadmissible ou intolérable, parce qu'injustifiée ou arbitraire», c'est-à-dire pas «dicté par le besoin de sauvegarder des droits ou des intérêts constitutionnellement protégés qui doivent être tenus pour prévalants» selon un critère de proportionnalité ; critère qui, étant prévu pour la restriction des droits, libertés et garanties devra être ici aussi appliqué. Suivant ce critère, il faudra toujours «s'assurer que l'intérêt général qui présidait à la modification du régime légal doit prévaloir sur l'intérêt individuel sacrifié», car on ne peut jamais réaliser «de pondération dans le cas de l'intérêt public au changement de la loi en confrontation avec les attentes sacrifiées».

Cette articulation entre l’application jurisprudentielle du principe de l’État de droit et le respect du principe démocratique (majoritaire) est aussi bien visible en ce qui concerne l’application du principe da la dignité humaine. Le Tribunal Constitutionnel a reconnu que le principe de la dignité humaine avait comme corollaire la garantie constitutionnelle d’un droit à une survie minime condigne ou à un minimum de survie.

Ce droit a été reconnu par la jurisprudence constitutionnelle, par exemple, à propos de l’actualisation des pensions pour accident du travail ou à propos de l’insaisissabilité de certaines prestations de la sécurité sociale et du salaire minimum légal, quand le débiteur fautif ne disposait pas d’un revenu global supérieur au minimum de survie ; plus récemment, le Tribunal, allant encore beaucoup plus loin, a même reconnu le droit à exiger de l’État les prestations sociales indispensables pour assurer ce droit à un minimum de survie.

Toutefois, le Tribunal a, en même temps, très clairement affirmé que le principe démocratique et les principes du pluralisme politique et de l’alternance démocratique assuraient au législateur la liberté de choix en ce qui concerne les instruments et le quantitatif nécessaires pour garantir ce minimum indispensable au respect de la dignité humaine.

On pourra peut-être ajouter que dans les pays, comme le Portugal, qui ont connu des expériences dictatoriales et se sont ainsi dramatiquement aperçus que peuvent être les règles juridiques elles-mêmes à étouffer les droits et libertés des citoyens et à mettre en cause l’État démocratique de droit, le recours aux principes constitutionnels, dont le recours aux principes découlant de l’idée d’État de droit démocratique, par la jurisprudence constitutionnelle apparaît comme plus important.

Cependant on ne peut pas oublier que l’utilisation jurisprudentielle des principes n’est légitime si ces principes sont déduits des dispositions de la Constitution elle-même et non affirmés comme des révélations qui découlent de valeurs acceptés a priori par le juge. C’est à dire : si le recours aux principes constitutionnels est tout à fait acceptable, on ne peut pas dire la même chose en ce qui concerne le recours à des principes généraux construits à partir d’un ordre de valeurs particulier adopté par le juge lui-même.

En tout état de cause, en des matières si délicates, où la découverte des principes est toujours indissociable de certaines convictions personnelles, en outre de la nécessaire rigueur et de l’indispensable self-restraint c’est la composition pluraliste et équilibrée des Cours Constitutionnelles qui peut assurer des solutions pondérées.