Les réformes du système juridique et les problèmes de la protection des droits de l’homme - l’exemple de l’Arménie

Mme Alvina GYULUMYAN,
membre de la Cour constitutionnelle de la République d’Arménie

 

Chers participants au séminaire, chers hôtes,

Les réformes du système juridique et judiciaire sont indispensables dans tous les pays postsoviétiques et postcommunistes qui ont refusé à la tyrannie et se guident aujourd'hui par des principes de la protection des droits de l'homme.

En effet, dans les nouveaux pays indépendants le système juridique ancien etait le même. Pour l'instant dans ces pays surgissent les mêmes problèmes liés à la réforme juridique. Cela ne veut pas dire que les réformes dans ces pays sont privées des particularités. En Arménie les réformes du système juridique et judiciaire ont les particularités suivantes:

1. L'ensemble du système en vigueur doit être soumis aux réformes, tout le champs de droit doit être remplacé, de nouvelles structures doivent être crées et les structures en vigueur nécessitent des changements fondamentaux,

2. En vertu des dispositions transitoires de la Constitution concernant la réforme, les délais limites sont prévus, il serait considéré comme violation des exigences de la Constitution, si dans ces délais la législation conforme n'est pas adoptée et les changements structurels n'ont pas lieu.

3. Il est impossible d'effectuer les réformes seulement par ses propres moyens, hors de la coopération internationale, sans assistance technique et consultative.

Les réformes économiques en Arménie ont commencé par la privatisation des terres. Au lieu d'une forme de la propriété publique l'Etat est aujourd'hui appelé à garantir le développement libre et la protection juridique de toute forme de la propriété. La base du développement des rapports économiques du marché est fondée.

Pour les réformes politiques il était d'une signification particulière l'adoption de la nouvelle Constitution. Une grande partie des institutions publiques prévues par la Constitution sont déjà formées. Le Président de la République, l'Assemblée Nationale, la Cour des comptes de l'Assemblée Nationale, le Gouvernement, les organes régionaux de l'administration publique, les organes des collectivités territoriales, la Cour Constitutionnelle, le conseil de la magistrature.

Les deux derniers sont des structures nouvelles du système juridique et judiciaire, mais ce ne sont que les premiers pas sur la voie d'instauration du pouvoir judiciaire.

Les réformes du système juridique et judiciaire sont des exigences constitutionnelles.

Les principes et les fondements de leur réalisation sont énoncés dans la Constitution. Cependant, l'ensemble des programmes des réformes n'était pas entrepris après l'adoption de la Constitution, et le temps était perdu. Maintenant on attache beaucoup plus d'attention aux réformes du système juridique et judiciaire, qui ont une importance exceptionnelle. D'après l'arrêté du Président de la République (article 49 et point 6 de l'article 55 de la Constitution) pour organiser et systématiser ces travaux une Commission d'Etat comprenant les représentants des trois pouvoirs à été crée.

Le programme étatique de la réforme a été élaboré et confirmé. Comme il est souligné dans ce programme l'objectif principal des réformes est l'instauration du système judiciaire assurant son fonctionnement indépendant et ayant sa place et son rôle précis dans le système de séparation des pouvoirs et garantissant le développement libre des relations démocratiques et la protection des droits de l'homme.

En vertu de la Constitution de la République d'Arménie l'Etat considère comme sa tâche prioritaire la garantie de la protection des droits et des libertés de l'homme (art. 4)

Il est à noter que les droits et les libertés fondamentaux de l'homme et de citoyen énoncés dans le chapitre deux de la Constitution sont tout à fait conforme aux exigences de la Déclaration Universelle des droits de l'homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et aux autres documents juridiques concernant les droits de l'homme. Plusieurs articles de ce chapitre non seulement énoncent les droits et les libertés de l'homme mais déterminent aussi la garantie de leur réalisation. par exemple l'article 18 non seulement proclame le droit de la liberté et l'inviolabilité de la personne mais aussi dispose sur les garanties suivantes de sa réalisation: "Nul ne peut être soumis à l'arrestation ou perquisition autrement qu'en fonction des modalités fixées par la loi. Nul ne peut être détenu que par une décision judiciaire d'après les modalités définies par la loi. Par la législation actuelle, les anciennes modalités d'arrestation sont encore en vigueur et donc une nouvelle loi doit être adoptée.

Actuellement, le projet du nouveau code de procédure pénale est en stade d'élaboration. On peut confirmer que les références sur la loi dans les articles de la Constitution consacrées aux droits de l'homme signifient obligatoirement l'adoption de la nouvelle loi car les lois en vigueur ne correspondent pas à ces exigences. La nécessité de la législation nationale concernant la réalisation des droits de l'homme est soulignée par les documents juridiques internationales. Conformément à l'article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques les Etats signataires s'engagent dans le cas d'absence de la législation nationale de prendre des mesures nécessaires pour adopter une législation conforme aux dispositions du Pacte et selon les modalités prévues par la Constitution.

Actuellement en Arménie nous sommes dans un période où en effet sont en vigueur trois espèces des lois parfois opposées: les lois soviétiques, les lois adoptées avant la nouvelle Constitution et les lois adoptées après la Constitution. Il est indispensable d'instaurer une nouvelle législation assurant la réalisation des droits et des libertés de l'homme, qui doit être conforme aux normes internationales. Le deuxième problème surgissant est lié à la législation; c'est le problème de la "légalité" de la loi.

Malheureusement nos possibilités du contrôle constitutionnel du point de vue de la protection des droits de l'homme sont limitées. Cependant il n'est pas exclu que les droits constitutionnels de l'homme peuvent être violés par la loi, ou par un autre acte normatif. Personne ne signalerait l'infraction de ses droits plus vite que le citoyen lui- même désirant réaliser ces droits. Ensuite c'est le tribunal de compétence générale qui se mettrait au courant . Cependant ni l'un ni l'autre ne sont pas des sujets ayant le droit de saisine de la Cour Constitutionnelle. Nous pensons que les réformes ce ne sont pas uniquement le changement de l'ancien système. C'est un processus dynamique, donc, il est possible de réformer les systèmes récemment adoptés, en élargissant le cercle des sujets ayant le droit de saisir la Cour Constitutionnelle. Toutefois, il n'est pas, peut-être, raisonnable d'attendre l'adoption ou l'application d'un acte violant les droits de l'homme et de baser l'examen de la constitutionnalité seulement sur le fait d'application d'un acte non conforme. Les cas pareils doivent être strictement exclusifs.

Chez nous le système du contrôle constitutionnel préliminaire des projets et des lois n'est pas prévu, mais il est possible de créer les structures appelées à prévenir l'adoption des actes violants les droits de l'homme. Par exemple, il est possible d'envisager la création du Centre National de la protection des droits de l'homme qui donnerait son avis avant la signature de la loi par le Président de la République, ou envisager la création de l'institut d'ombudsman. Les structures pareilles sont justement nécessaires dans ce période des réformes .

Il est indiscutable que l'état de la protection des droits de l'homme dans tel ou autre pays est conditionné par ce fait: à quel point les lois en vigueur du pays mentionné peuvent garantir la protection des droits et des libertés de l'homme. Au cas même où les lois adoptées sont parfaites elles restent sans valeurs si l'Etat n'est pas un Etat de droit et la prééminence de la loi n'est pas assurée. L'article 1 de la Constitution de la RA déclare la République d'Arménie un Etat de droit, démocratique et social, et l'article 6 dispose que dans la République d'Arménie la suprématie de la loi est garantie.

L'énonciation de telles dispositions dans la loi fondamentale de l'Etat sans doute ne signifie pas que l'Etat de droit et la garantie de la suprématie sont instaurés. Ceci dit, il faut essentiellement changer les structures institutionnelles, et en premier lieu le système judiciaire qui réalise la protection des droits de l'homme. A présent encore en Arménie fonctionnent les anciens tribunaux, qui fonctionnaient auparavant dans les conditions d'inexistence de la propriété privée et sur le principe de la priorité des intérêts publics. L'organe qui tranchait les litiges économiques était l'arbitrage public qui fonctionnait auprès du gouvernement: cet organe est conservé jusqu'à nos jours. Une grande partie des litiges civiles a été résolue par la voie judiciaire, mais leur cadre était tellement restreint que même aujourd'hui il existe une opinion que les juges du système des tribunaux de compétence générale ne sont pas capables de résoudre les litiges propres aux relations du marché.

Parfois les jugements portés par les tribunaux n'étaient pas exécutés, puisque les huissiers assurant leur exécution n'avaient pas de pouvoir réel. Actuellement il est proposé de créer les structures particulières d'exécution par la voie coercitive des jugements des tribunaux, des structures ayant des compétences nécessaires.

Concernant les affaires pénales, les tribunaux, en règle générale, avaient plutôt des fonctions répressives. En effet la question de la responsabilité pénale a été résolu lors de l'instruction préalable.

Cette situation a créé une conviction populaire qu'il faut chercher la protection des droits non pas dans les tribunaux, mais dans les organes du pouvoir exécutif. Ce n'est pas par hasard que, selon les études effectuées par les collaborateurs de la Cour Constitutionnelle, 60 % des demandes faites par nos citoyens étaient adressées aux instances qui n'avaient pas de compétences pour leur résolution. En plus, il y des demandes où les citoyens exigent un contrôle d'une affaire examinée au tribunal. Il en est possible de tirer la conclusion suivante: il est nécessaire de renforcer le pouvoir judiciaire.

Le pouvoir judiciaire est fort quand ses décisions sont exécutées sans réserve.

La décision judiciaire doit avoir la valeur de loi et doit être exécutée. Les pouvoirs politiques ne doivent pas discuter les jugements du tribunal ce qui à lieu souvent chez nous.

Il ne s'agit pas d'une expression des intérêts institutionnels pour une simple raison - au cas où le pouvoir judiciaire est faible, les phénomènes négatives dans la société sont inévitables.

Deuxièmement, il est nécessaire de changer l'attitude des citoyens envers les tribunaux et de consolider dans la conscience sociale le rôle protecteur du tribunal. L'article 38 de la Constitution dispose que toute personne a droit à la protection juridique des droits et des libertés fixés par la Constitution et les lois. Cela, en effet est l'expression intégrale du principe international de la protection des droits et des libertés de l'homme et du citoyen. Pour la réalisation efficace de cette protection juridique il est indispensable:

1. Assurer l'indépendance du pouvoir judiciaire ;

La nécessité du tribunal indépendant et impartial est soulignée dans l'article 39 de la Constitution qui dispose le droit de l'homme de faire examiner sa cause dans un tel tribunal.

Et comment assurer cette indépendance du tribunal?

* D'abord c'est de définir nettement par la loi le statut du juge; les exigences émises pour sa nomination et promotion, le fondement de sa responsabilité disciplinaire et de la cessation de ses fonctions.

* Minimaliser le rôle du pouvoir exécutif - du Ministère de la Justice lors de la nomination des juges. Nous ne pouvons pas exiger l'exclusion de ce rôle, puisque notre Constitution ne nous en donne pas la possibilité. Cependant conformément aux lois en vigueur le mécanisme de la présentation de la candidature du juge au conseil de la magistrature est tel qu'il peut mettre les juges en dépendance non seulement du Ministre, mais aussi des chefs des départements.

* Les dimensions de la rémunération des juges doivent leur assurer une vie décente et régler le problème de leur sécurité. Le dicton dit qu'il est mieux que le juge cherche la protection auprès le pouvoir public qu'auprès les structures mafieuses.

* Les organisations associatives des juges peuvent contribuer à l'indépendance des tribunaux. Il est donc nécessaire de leur attacher une importance conforme.

2. La protection juridique doit être accessible au public. Il n'est pas du tout souhaitable d'empêcher les personnes de saisir le tribunal et de réaliser leur droit de protection juridique. Il est encore moins souhaitable de créer des systèmes judiciaires séparés. Par exemple il n'est pas possible de mettre une différence fixe entre les litiges économique et civile. Dans le cas de la séparation sectorielle des tribunaux la prolongation de la durée de l'affaire et le vas- et- viens de la personne dans les différents tribunaux n'est pas exclu.

3. Il n'est pas possible de représenter la protection des droits de l'homme sans la garantie de réexamen des décisions judiciaires. Pour cela seule la création des cours d'appels n'est pas suffisante. Il est indispensable de créer une possibilité réelle d'appellation du jugement . Cette possibilité se représente par l'instauration de l'institut de l'avocat agréé: cette institution prévue par la Constitution, n'est pas encore en fonction.

4. Pour la protection et la réalisation des droits de l'homme n'est pas de moindre importance l'accessibilité de l'assistance juridique.

Ce n'est qu'à la condition de la résolution de tous ces problèmes que nous pourrons affirmer que la protection des droits de l'homme chez nous est strictement assurée.