Le recours individuel à la Cours Constitutionnelle Un modèle pour l’Arménie

Félix TOKHIAN,
membre de la Cour constituionnelle de la République d’Arménie

Trois formes du contrôle directement liées à la fonction de la protection des droits de l’homme sont généralement admises, dans le système de la justice constitutionnelle: contrôle abstrait, contrôle concret, et le recours individuel.

Dans la République d’Arménie le contrôle abstrait à posteriori s’effectue au moment de la réalisation des compétences de la Cour Constitutionnelle de la RA. (article 100 de la Constitution et article 5 de la loi sur la CC de la RA).

Il est regrettable que le contrôle concret n’est pas prévu par la Constitution de la République d’Arménie sous aucune forme.

Pour le recours individuel, le droit général pour toute personne de saisir le tribunal afin d’obtenir une protection des droits et libertés fondamentaux de l’homme et de citoyen inscrits dans la Constitution sert de fondement de confirmer une possibilité d’application pratique du recours individuel.

Sans entrer dans les détails d’argumentation de cette thèse (ce qui dépasse les limites de notre rapport) signalons qu’au cas d’amendement législatif correspondant la Cour Constitutionnelle aurait la possibilité d’effectuer la protection des droits et libertés fondamentaux de l’homme et du citoyen par la voie du recours individuel.

Actuellement en Arménie se pose le problème du modèle convenable du recours individuel.

Il est connu que dans le droit constitutionnel moderne trois procédures s’appliquant lors de la réalisation des compétences de la protection des droits et libertés fondamentaux de l’homme sont répandues.

A. Dans les pays du droit général c’est la publication des prescriptions judiciaires sur la réalisation des droits fondamentaux par la voie coercitive (habeas corpus, injonction prohibitive, mandamus et autres).

Dans la République d’Arménie où fonctionne le système juridique continental et le contrôle concret n'existe pas, cette procédure à ce stade est inapplicable.

B. Dans certains pays latino-américains (Mexique, Pérou, Equador) et en Espagne l’amparo, qui à beaucoup de similarité avec le recours individuel, est considéré comme le moyen principal de la protection des droits et libertés fondamentaux de l’homme. La différence fondamentale consiste en caractère strictement individuel des décisions prises par l'organe de la justice constitutionnelle à la base de recours individuel, c’est à dire ne s’étendent que sur le plaignant.

Le champs d'influence bien limité des décisions prises par les organes de la justice constitutionnelle à la base d’amparo rend inopportun son introduction et application en Arménie.

C. Dans un nombre progressif des Etats s’applique le recours individuel.

Nous considérons que justement l’application de cette procédure est la plus pertinente en République d’Arménie. Pour toute personne elle servira d’accès directe à l'organe de la justice constitutionnelle en devenant l’instrument efficace de la protection des droits et libertés fondamentaux de l’homme et de citoyen inscrits dans le chapitre 2 de la Constitution.

L’autorité du recours individuel s'accroît constamment dans le monde entier, puisqu’il contribue à l’élargissement considérable des possibilités de la protection des droits et libertés fondamentaux.

Avant tout c’est une protection contre la menace la plus répandue provenant du pouvoir exécutif dont la structure administrative a des dimensions énormes et du tribunal qui peut porter un jugement à la base d’une loi irrégulière.

Le recours individuel protège aussi contre le pouvoir législatif, contribuant à l’annulation des lois contraires à la justice.

Nous considérons que le recours individuel constitutionnel étant une garantie de la protection des droits et libertés fondamentaux de l’homme et de citoyen contre l’arbitraire des pouvoirs, contribue à l’assurance et au développement de la démocratie constitutionnelle, dont les droits de l’homme sont à la base.

Le recours individuel en protégeant l’individu et ses droits fondamentaux subjectifs contribue à la réalisation d’un des principes strictes de l’Etat de droit - du principe de la réalisation du lien entre les trois branches du pouvoir par la Constitution et par la loi garantissant les droits de l’homme.

Outre cela, le recours individuel étant l’instrument particulier de la protection des droits constitutionnels de l’homme met à la disposition du citoyen le droit d’initier un litige contre l’Etat et ses organes, même contre le législateur, en favorisant l’intégration des citoyens au processus de la gestion de l’Etat et de la société.

Il est bien connu, que le recours individuel constitutionnel s’applique largement en plusieurs pays et constitue la grande partie des affaires examinées par les organes de la justice constitutionnelle.

Cette forme du contrôle se différencie d’une grande spécificité relative au cercle des sujets de ce droit, des objets de recours, de règlements, de dispositions et de réception des plaintes à l’examen par les organes de la justice constitutionnelle, des conséquences juridiques des décisions prises. Sur une grande échelle ce droit de recours individuel est créé et appliqué dans les pays occidentaux - en Allemagne et en Autriche et dans les pays CEI - en Russie et en Géorgie,

Il me semble en premier lieu que l’expérience de ces pays peut être appliquée lors de l’instauration du modèle du recours individuel et constitutionnel dans la République d’Arménie bien sur en tenant compte des particularités nationales de la culture juridique des citoyens, de l'état qualitative de la législation.

Le problème important lié à la réalisation du recours individuel consiste dans le fait que la Cour sera surpassée par le nombre des affaires de ce genre. Dans la société orientée sur les valeurs de l’Etat de droit le nombre de recours individuels à la Cour Constitutionnel va s'accroître parallèlement à l'essor du sens de la justice des citoyens. La situation en Allemagne, Hongrie en est la preuve.

Pour contrecarrer efficacement la menace de surcharge de la Cour, le droit de déposer le recours dans tous les pays s’accompagne de toute une série de conditions et d'exigences. Ces exigences strictes formelles et étoffées constituent un filtre spécifique et aboutissent au triage de la grande quantité des recours initiaux.

Il est possible d’établir les exigences suivantes de dépôt et de la réception des recours à l’examen dans la République d’Arménie.

Premièrement l’individu doit épuiser tous les autres moyens de la protection juridique. Le recours ne pourrait pas être accepté au cas où il est encore possible de recourir autrement. Cette exigence tout à fait fondée reflète une idée reconnue que les organes de la justice constitutionnelle ne doivent intervenir dans la situation conflictuelle que dans le cas exclusif. Par ailleurs, les tribunaux de compétences générales ayant les connaissances spéciales en matière de la législation sectorielle peuvent élaborer des approches qualifiées sur les problèmes litigieux en énonçant leur perception du contenu et de la portée des droit de l’homme. Prenant en considération ces positions la Cour Constitutionnelle ayant reçu l’idée de la pratique juridictionnelle peut en faire le synthèse et orienter cette pratique par ces propres arrêts.

Deuxièmement, le problème soulevé dans le recours doit avoir la portée importante constitutionnelle et juridique.

Il est à noter qu’une telle condition supplémentaire de la réception et du dépôt de recours à l’examen à été introduite en 1984 dans la Constitution d’Autriche. ( Vizer - La protection des droits de l’homme en Autriche, dans le livre “La protection des droits de l’homme dans le monde contemporain - Moscou 1993 p. 36-52).

Troisièmement, le recours doit être bien fondé. Il n’est pas opportun d’établir quelques exigences particulières par rapport aux formalités de son dépôt. Pour simplifier au maximum la procédure du dépôt de recours il est souhaitable d’étendre les exigences générales pour toutes demandes adressées à la Cour Constitutionnelle de l’Arménie, mais envisager aussi d’autres exigences supplémentaires. Il s’agit en premier lieu de déterminer le cercle des actes juridiques normatifs, la constitutionnalité desquels peut être saisie par le recours individuel. C’est une question de principe concernant en grande partie le nombre de recours et déterminant le surcharge réel des Cours Constitutionnelles. Dans tous les cas la Cour Constitutionnelle peut examiner les actes juridiques normatifs qui atteignent les droits fondamentaux de l’homme et de citoyen garantis par la Constitution de la RA. Par ailleurs, il ne s’agit que des actes juridiques normatifs appliqués dans une affaire concrète dont l'examen est achevé dans le tribunal de compétence générale. Autrement dit, l’individu ne peut pas “au nom du peuple” abstraitement, c’est à dire sans menace concrète et réelle de ses droits fondamentaux , déposer un recours. A la base de la recevabilité de recours individuel constitutionnel doit être le principe d’un danger réel et évident existant au moment actuel pour l’individu et provenant de l’acte normatif juridique contesté:

Quatrièmement , quoiqu’en règle générale la juridiction constitutionnelle sur les recours individuels est gratuite, dans certains pays d’une manière argumentée a été introduit le payement des frais de la justice: il serait opportun de le faire en Arménie. Au cas où la Cour Constitutionnelle reconnaîtrait le recours comme fondé, les frais subis par le plaignant doivent être remboursés partiellement ou complètement.

3. Le nombre des recours individuels et le degré d'efficacité de cette institution dépendent en grande partie de l’objet du recours défini par la législation. Etant donné qu’à la stade de transition, la législation interne de la RA est assez contradictoire, beaucoup de dispositions des lois désapprouvent réciproquement les uns les autres, et les organes dapplication de droit s’orientent en générale sur les règlements des lois émises par les organes suprêmes du pouvoir exécutif, il est pertinent d’établir en RA comme objet de recours individuel constitutionnel concernant les droits et les libertés de l’homme et de citoyen 5 espèces des actes normatifs, la constitutionnalité desquels la Cour Conditionnelle a le droit de contrôler en effectuant le contrôle abstrait conformément à l’article 100 de la Constitution. C’est à dire les lois, les résolutions de l’Assemblée Nationale des décrets et des arrêts du Président de la RA, les résolutions du gouvernement.

Il s’agit des actes juridiques normatifs entrés en vigueur après l’adoption de la nouvelle Constitution de la RA en 1995 sans l’établissement de délais d’ancienneté de leurs appels.

En partant de la priorité des droits fondamentaux de l’homme en tant que valeur suprême il faut spécialement prévoir dans la législation de la RA que dans le cas où l’acte juridique normatif est annulé ou a perdu sa force au moment de commencement, ou lors de l’examen de l’affaire entamée par la Cour Constitutionnelle de la RA, l’examen de cette affaire peut être cessé à l’exception des cas où les droits et les libertés constitutionnels de l’homme et de citoyen ont été lésés par les effets de l’acte mentionné.

4. Il est aussi important le problème d’établissement du cercle des personnes ayant le droit de recours constitutionnel. En partant du sens de 2 partie l’article 38, de la Constitution de la RA on peut réserver le droit de recours individuel à tout individu ayant le droit de le réaliser personnellement ainsi que par l’intermédiaire de ses représentants légaux.

5. Il faut noter la question des conséquences juridiques des arrêts de la Cour Constitutionnelle pendant l’examen du recours individuel. Nous considérons que la reconnaissance de l’acte juridique normatif reconnu comme non constitutionnel ne peut provoquer l’annulation des jugements et des décisions des tribunaux portés à la base de l’acte mentionné , elle n'entraîne que la cessation de leur exécution selon l’ordre établi par la législation de procédure:

La satisfaction de recours individuel entraîne la reconnaissance de perte de force de l’acte normatif reconnu non constitutionnel où d’une de ses parties dès le moment de la publication de la décision conforme.

Des exceptions ne peuvent faire que les lois régissant les rapports juridiques pénales qui peuvent être reconnues par la Cour Constitutionnelle comme non constitutionnelles, comme privés de force juridique dès le moment de leur entrée en vigueur. Les affaires judiciaires correspondantes en tous les cas doivent être réexaminées selon le règlement établi par la législation de procédure

Si la Cour Constitutionnelle aboutit à la conclusion que l’acte normatif peut entraîner des conséquences irréversibles pour une des parties, elle doit avoir le droit de cesser la validité de l’acte litigieux avant la prise définitive de la décision.

Cependant la Cour Constitutionnelle ne doit pas examinier la question de la conformité à la Constitution de l’acte intégral si le plaignant n’exige que la reconnaissance de la constitutionnalité d’une seule norme de l’acte juridique.

Il est à signaler particulièrement que l’application de recours constitutionnel individuel nécessitera des changements sérieux dans la structure organisationnelle et les méthodes d’activité procédurale de la Cour Constitutionnelle de la RA.