L’allocution d’ouverture de Christos GIACOUMOPOULOS
Administrateur principale de la Commission Européenne
“Pour la démocratie par le droit”

Merci beaucoup Monsieur le Président,

Je suis très ému et très honoré d’être parmis vous à cette illustre assemblée des juges constitutionnels qui devra traiter d’un sujet aussi important que la protection des droits de l’homme.

Mais avant de passer au sujet je voudrais tout d’abord remercier la Cour constitutionnelle arménienne, son Président, ainsi que tous ses collaborateurs pour avoir pris l’initiative de l’organisation de ce séminaire sur le contrôle constitutionnel et la protection des droits de l’homme.

Le séminaire qui vient d’être ouvert et qui s’annonce déjà, si on juge des contributions écrites, très enrichissants. Vous me permettrez de présenter très brièvement la délégation de la Commission de Venise qui se trouve parmis vous: Monsieur MARTENS - juge à la Cour d’arbitrage de Belgique, Monsieur KARLITSKI - juge au Tribunal constitutionnel polonais, Monsieur PINELLI - professeur de droit constitutionnel et Monsieur DURR - Chef de la section de justice constitutionnelle de la Commission de Venise et moi-même.

L’Arménie a adopté sa nouvelle Constitution en juillet 1995, elle se déclare un Etat de droit, démocratique et social, elle s’est donc engagée à respecter la préeminence de droit, les droits fondamentaux, assurer le pluralisme politique et veiller à la cohésion sociale. Ce sont là les objectifs nobles, les objectifs nobles qui font d’ailleurs l’essentiel du patrimoine constitutionnel européen, le patrimoine commun des valeurs qui se trouvent à la base de la construction européenne. Ce sont d’ailleurs ses mêmes principes qui ont été au centre des débats et de la Déclaration des chefs d’Etats et des gouvernements des pays membres de Conseil de l’Europe qui se sont ressemblés à Strasbourg, il y a deus semaines juste, pour adopter Déclaration de principe et un Plan d’actions. Le Président Ter-Petrossian qui se trouvait à Strasbourg à cette occasion en tant que chef d’un Etat - candidat à l’adhésion au Conseil de l' Europe a déclaré lors de cette importante, je dirai même, historique conférence, que l’Arménie est plus jamais engagée dans un processus de réformes, disons à l’approfondisement de la démocratie et à l’instauration d’Etat de droit. Dans un tel contexte le fonctionnement de la Cour constitutionnelle constitue un défi permanent et d’ailleurs formidable, car c’est bien, bien entendu, à la Cour constitutionnelle appartient le rôle important de dire le droit de la démocratie, d’assurer dans le cadre de cet énorme chantier législatif, la préeminence de droit et le respect des droits fondamentaux.

La justice constitutionnelle, en général, et dans ce cadre, les travaux de la Cour constitutionnelle de l’Arménie sont donc au centre des préoccupations de la Commission de Venise. Je dirai de quoi plus naturel puisque la Commission de Venise dont le nom entier est Commission pour la démocratie par le droit, a comme objectif d’étudier, et elle s’est toute entière dédiée aux garanties offertes par le droit au fonctionnement des institutions démocratiques, au garantie de la démocratie, alors, il n’y a rien de plus naturel qu’une telle commission soit intéressée aux juridictions qui ont comme tâche de dire le droit de la démocratie, d’interpréter la Constitution. Mais au-delà de cette relation, je dirai verbale, mécanique qui résulte de la communauté de terrain de travail de la Commission et des juridictions constitutionnelles, il y a je dirai quelque chose de plus, il y a le concept qui est maint fois découvert au cours de nos travaux quotidiens et d’ailleurs découvert chaque fois avec la même passion que nonobstant les particularités procédurales, les caractères propres à chaque Cour, les problèmes propres à chaque juridiction constitutionnelle, la matière première sur laquelle travaille les juges constitutionnels en Europe sont ses valeurs communes qu’on a mentionnés tout à l’heure, les valeurs qui définissent l’Europe dans sa dimension juridique, mais aussi dans une certaine mésure dans sa dimension historique et culturelle.

La Commission de Venise a donc travaillé dès sa création étroitement avec les juridictions constitutionnelles. Sous ses auspices un réseau a été formé d’agents des liaisons des juridictions constitutionnelles européennes qui mettent régulièrement en partage leur expérience par la publication au Bulletin de jurisprudence constitutionnelle de leurs décisions et par la base de données CODISES, qui constitue la version informatique de ce même recueil de décisions.

Le présent séminaire est d’ailleurs un autre volet de cette même coopération consacrée à la protection des droits fondamentaux il se place au centre du débat de l’integration européenne, car on le sait depuis longtemps, et on voit d’ailleurs dans la pratique de chaque jour cette protection des droits individuels fondamentaux qui constitue la pierre angulaire de la construction européenne. C’est cette notion de protection des droits qui ne sont pas liés à la nationalité, mais sont directement liés à la personne humaine sans considération d’appartenance à un groupe national, ethnique, réligieux ou autre, qui sont le moteur de l’Europe. La riche jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, mais aussi de la Cour jurisprudence de l’Union européenne, la Cour de justice de l’Union européenne à Luxembourg, ainsi que les grands arrêts de la jurisprudence européenne en témoignent. C’est ainsi que le domaine de la protection des droits fondamentaux, la protection constitutionnelle des droits fondamentaux, la concertation dans ce domaine, la concertation mutuelle et le partage des expériences et l’enrichissement qui en découle acquiert l’importance capitale dans le processus de l’integration européenne.

Vous ne serez pas donc surpris que la Commission de Venise qui a consacré déjà à ce sujet un séminaire en Croatie, à Brioni revient sur le sujet aujourd’hui à Erévan. C’est un fait tout à fait naturel, que la protection des droits de l’homme et l’integration européenne ne sont pas statiques, elles sont par leur nature même, disons, un caractère évolutif et les contributions qui seront présentées au cours de ce séminaire et ainsi que les débats y relatifs, nous permettrons de prendre acte de cette évolution, de ce caractère évolutif et en même temps constituerons peut-être, et personnellement j’en suis sur, une poussée à cette évolution.

La Cour constitutionnelle d’Arménie a d’ailleurs fait tout pour qu’il en ait ainsi. Je souhaite donc, au nom de la Commission de Venise un plein succès aux travaux de ce séminaire.