CODICES

 

ARM-2004-2-004

 

a) Arménie / b) Cour constitutionnelle / c)  / d) 13-08-2004 / e) DCC-502 / f) De la conformité avec la Constitution des obligations énoncées dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale / g) à paraître dans Téghékaguir (Journal officiel) / h) .

Mots-clés du Thésaurus systématique:

2.2.1.1

Sources - Hiérarchie - Hiérarchie entre sources nationales et non nationales - Traités et Constitutions.

3.1

Principes généraux - Souveraineté.

4.7.6

Institutions - Organes juridictionnels - Relations avec les juridictions internationales.

4.16.1

Institutions - Relations internationales - Transfert de compétences aux institutions internationales.

5.1.4

Droits fondamentaux - Problématique générale - Limites et restrictions.

5.2

Droits fondamentaux - Égalité.

Mots-clés de l'index alphabétique:

Cour pénale internationale, statut, ratification / Condamné, grâce, droit de recours, amnistie.

Sommaire (points de droit):

La disposition selon laquelle la juridiction de la Cour pénale internationale (appelée ci-après la CPI) est complémentaire à la juridiction pénale nationale ("complémentarité"), qui figure dans la partie 10 du préambule et l'article 1 du Statut de la CPI, n'est pas conforme aux  articles 91 et  92 de la Constitution arménienne, dans la mesure où le chapitre 9 de la Constitution, qui comporte des dispositions décrivant avec précision le système judiciaire de la République d'Arménie, ne contient aucune disposition qui puisse être considérée comme autorisant que le système des instances judiciaires compétentes en matière pénale soit complétée au moyen d'un traité international par un organe judiciaire international à compétence pénale.

En raison de son obligation de protéger les droits de l'homme et les libertés fondamentales énoncés dans l'article 4 de la Constitution, l'Arménie ne peut assumer aucune obligation qui n'est pas prévue par la Constitution et qui implique une limitation des droits de l'homme au point de créer une situation moins favorable pour les personnes placées sous la juridiction de l'Arménie en matière de protection des droits de l'homme et des libertés.

Il serait possible d'adopter un amendement à la Constitution reconnaissant les obligations énoncées par le Statut de la CPI ou la compétence de la CPI considérée comme un organe complétant le système des tribunaux nationaux.

Résumé:

Sur la base d'une requête présentée par le Président de la République, la Cour constitutionnelle a examiné la conformité des obligations énoncées dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale avec la Constitution.

Dans son préambule, la Constitution arménienne confirme la fidélité du peuple arménien aux valeurs universelles. L'article 4 de la Constitution prévoit que l'État assure la défense des libertés et des droits de l'homme conformément aux normes et principes juridiques internationaux. Ces dispositions de la Constitution fixent les bases légales de l'engagement à défendre les valeurs universelles comme la paix, la sécurité et le bien-être de la population. La création de la CPI permanente a pour objectif la protection de ces valeurs.

Le Statut prévoit les principes des liens entre les États et la CPI qui visent à harmoniser le principe de la souveraineté de l'État avec obligation de l'État de reconnaître la compétence de la CPI. Ce problème est résolu notamment par l'article 12 du Statut, selon lequel la CPI peut exercer sa compétence si l'État sur le territoire duquel le comportement en cause s'est produit, ou dont la personne accusée du crime est un national, est partie au Statut. La question de l'harmonisation de l'obligation de l'État de reconnaître la compétence de la CPI avec le principe de souveraineté de l'État est également résolue par le principe essentiel qui fonde la compétence de la CPI: la compétence de la CPI pour juger des personnes pour les crimes les plus graves prévus par le Statut est complémentaire à l'exercice de la compétence pénale nationale. Ce principe découle particulièrement de l'article 17 du Statut, selon lequel la CPI peut exercer sa compétence à l'égard d'un crime prévu dans le Statut lorsqu'un État, qui a compétence en l'espèce, n'a pas la volonté ou est dans l'incapacité de mener véritablement à bien l'enquête ou les poursuites. En même temps, l' précision les facteurs qui constituent une base objective pour évaluer le manque de volonté d'un État, ainsi que son incapacité à mener à bien l'enquête ou les poursuites. L'article 19 du Statut accorde à l'État compétent en l'espèce la possibilité de contester la compétence de la CPI et la recevabilité de l'affaire au motif qu'il a engagé une enquête ou des poursuites.

Une autre question concernant le lien entre la souveraineté de l'État et la compétence de la CPI concerne les articles 54.2, 57.3.d et 99.4 du Statut. Les articles 54, 57 et 99 accordent au procureur des pouvoirs assez étendus et prévoient en même temps certaines garanties qui prennent en compte la souveraineté de l'État et empêchent tout abus de pouvoir de la part du procureur. Notamment, le procureur peut prendre directement des mesures spécifiques dans le cadre d'une enquête sur le territoire d'un État partie avec l'autorisation de la Chambre préliminaire. Lorsqu'elle accorde cette autorisation, cette dernière, tient compte dans la mesure du possible des vues de l'État concerné. La Chambre préliminaire ne peut autoriser le procureur à prendre des mesures d'enquête que si elle détermine qu'en l'espèce l'État est manifestement incapable de donner suite à une demande de coopération parce qu'aucune autorité compétente de son appareil judiciaire national n'est disponible pour le faire. Le procureur peut prendre certaines mesures d'enquête sur le territoire de l'État partie, sans la présence des autorités de cet État, si ces mesures n'impliquent pas le recours à des mesures de contrainte et si elles sont essentielles à l'exécution de la demande. En outre, le procureur ne peut effectuer des mesures d'enquête spécifique qu'après avoir mené avec l'État requis des consultations aussi étendues que possible. Ainsi, on peut considérer que les articles 54.2, 57.3.d et 99.4 du Statut découlent du principe de complémentarité et ne portent pas atteinte à la souveraineté de l'État partie.

La Cour constitutionnelle a identifié les domaines suivants dans lesquels les obligations assumées en vertu du Statut ne sont pas conformes à la Constitution.

Premièrement, la disposition selon laquelle la compétence de la CPI est complémentaire des juridictions criminelles nationales, qui figure au paragraphe 10 du préambule et à l'article 1 du Statut, n'a aucun lien avec les normes énoncées aux  articles 91 et  92 de la Constitution. Selon l'article 91 de la Constitution, la justice est rendue seulement par les tribunaux conformément à la Constitution et aux lois. Selon l'article 92 de la Constitution, les tribunaux de compétence générale de la République d'Arménie, y compris la compétence pénale, sont les tribunaux de première instance, les cours d'appels et la Cour de cassation.

Le chapitre 9 de la Constitution, qui comporte des dispositions décrivant en détail le système judiciaire de la République d'Arménie, ne contient aucune disposition qui puisse être considérée comme autorisant le système des instances judiciaires compétentes en matière pénale soit complété par un organe judiciaire international à compétence pénale constitué par un traité international.

Selon l'article 105 du Statut, une peine d'emprisonnement prononcée par la CPI est exécutoire pour les États parties, qui ne peuvent en aucun cas la modifier. Cette disposition suppose que les personnes relevant de la juridiction de la République d'Arménie, en cas d'une condamnation par la CPI pour des crimes prévus par le Statut, ne peuvent pas présenter un recours en grâce, ni demander une dispense de peine ou une réduction de la durée de la peine par le biais d'une amnistie. En conséquence, le Président de la République ne peut pas exercer son droit de grâce et ni l'Assemblée nationale son droit de décider une amnistie à l'égard de ces personnes.

Là où les tribunaux nationaux exercent une compétence pénale vis-à-vis de personnes qui ont commis des crimes prévus par le Statut, les personnes condamnées à une peine de prison par ces tribunaux peuvent présenter un recours en grâce ou demander une dispense de peine, et la durée de leur peine peut être réduite par le biais d'une amnistie. Par contre, les personnes qui relèvent de la juridiction nationale de la République d'Arménie et qui sont condamnées par la CPI pour les mêmes crimes sont privées du droit de recours en grâce et de la possibilité de bénéficier d'une amnistie, le cas échéant.

Parce qu'elle est tenue de protéger les droits et les libertés énoncés à l'article 4 de la Constitution, la République d'Arménie ne peut assumer aucune obligation qui n'est pas prévue par la Constitution et qui implique une limitation des droits de l'homme au point de créer une situation moins favorable pour les personnes placées sous la juridiction de l'Arménie en matière de protection des droits de l'homme et des libertés.

Langues:

Arménien.