CODICES

 

ARM-2005-2-001

 

a) Arménie / b) Cour constitutionnelle / c)  / d) 06-05-2005 / e) DCC-563 / f) Constitutionnalité de la loi sur le "Défenseur des droits de l'homme" / g) à paraître dans Téghékaguir (Journal officiel) / h) CODICES (anglais).

Mots-clés du Thésaurus systématique:

3.12

Principes généraux - Clarté et précision de la norme.

4.12.9

Institutions - Médiateur - Relations avec les organes juridictionnels.

5.3.13.14

Droits fondamentaux - Droits civils et politiques - Garanties de procédure, droits de la défense et procès équitable - Indépendance.

5.3.13.19

Droits fondamentaux - Droits civils et politiques - Garanties de procédure, droits de la défense et procès équitable - Égalité des armes.

Mots-clés de l'index alphabétique:

Médiateur, compétences / Cour, indépendance, droit à l'information, parties, égalité / Médiateur, tribunal, information, droit de requérir.

Sommaire (points de droit):

Le droit du Défenseur de demander des informations aux tribunaux et de leur présenter des recommandations ne découle pas de la nécessité d'administrer une justice indépendante et impartiale, et il crée une contradiction entre des dispositions législatives. Il ressort de la pratique de l'application des lois que cette disposition empiète sur les fonctions de l'appareil judiciaire et n'est pas conforme aux dispositions des  articles 39 et  97.1 de la Constitution.

Le droit du Défenseur de demander des informations aux tribunaux doit pouvoir s'exercer s'il n'empiète pas sur la procédure judiciaire, s'il ne concerne pas l'administration de la justice dans une affaire concrète et s'il ne se rapporte pas aux questions de fond et de procédure soulevées par l'examen du dossier.

Résumé:

Au vu du recours formé par le Président de la République, la Cour constitutionnelle a examiné la constitutionnalité de la disposition énoncée dans la deuxième phrase de l'article 7.2.1 de la loi sur le "Défenseur des droits de l'homme".

Le requérant affirmait que la deuxième phrase de l'article 7.2.1 de la loi sur le "Défendeur des droits de l'homme", qui stipulait qu'"...[i]l/elle peut requérir des informations sur toute affaire parvenue au stade du procès et présenter des recommandations à un tribunal, de façon à garantir la réalisation du droit des citoyens à un procès équitable que consacrent la Constitution arménienne et les normes du droit international", était contraire aux dispositions des  articles 39 et  97.1 de la Constitution en ce qu'elle portait atteinte aux principes de l'indépendance du tribunal et de l'égalité des parties à la cause. Le requérant a indiqué qu'il ressortait de l'analyse de l'application des lois que le terme "informations" était interprété dans un sens plus large pendant l'application concrète de la disposition litigieuse.

La partie mise en cause a expliqué que la loi sur le "Défenseur des droits de l'homme", pour ce qui est de trancher la question de la réception d'informations, était conforme aux règles constitutionnelles, aux normes du droit international et avec un certain nombre de lois de pays étrangers. Elle a noté que la question litigieuse avait été soulevée d'une manière générale, sur la base de plusieurs incidents dans lesquels le Défendeur et son adjoint avaient présenté des lettres à des juridictions de première instance. Elle a également tenu pour acquis que, si la pratique de l'application des lois pourrait ne pas être constitutionnelle, la disposition contestée de la loi ne pouvait pas être considérée comme contraire à la Constitution.

La Cour constitutionnelle a indiqué que l'article 97 de la Constitution, qui garantissait le principe constitutionnel de l'indépendance du pouvoir judiciaire, stipulait que, dans l'administration de la justice, les juges doivent être indépendants et ne sont soumis qu'à la loi. L'article 39 de la Constitution prévoyait le droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue de façon équitable par un tribunal indépendant et impartial.

La Cour a également expliqué qu'en vertu de l'article 5 de la loi sur le statut des juges, le juge, lorsqu'il administre la justice, n'est tenu de rendre compte de son action à aucun organe ou fonctionnaire de l'État. L'article 6 de la même loi interdisait toute ingérence d'un organe d'État, des organes des collectivités locales et de leurs agents, des partis politiques, des organisations non gouvernementales et des médias quels qu'ils soient dans les activités d'un juge.

De l'avis de la Cour, il ressort de la pratique judiciaire constitutionnelle internationale concernant la question litigieuse que "le système judiciaire indépendant est constitutionnellement protégé contre toute ingérence extérieure; il s'ensuit que le fait de conférer au médiateur une autorité quelconque de contrôle des tribunaux n'est pas compatible avec les principes de la séparation des pouvoirs et de l'indépendance des tribunaux."

Par ailleurs, la Cour a souligné que l'égalité des parties à la cause était l'un des éléments du droit à un procès équitable, garanti par l'article 39 de la Constitution et par l'article 6 CEDH. La République d'Arménie a inséré ces principes dans sa législation relative à la procédure pénale et à la procédure civile.

La Cour constitutionnelle a constaté que, selon le requérant et la partie mise en cause, les contradictions relevées entre la disposition législative litigieuse et les articles 10.1 et 12.1.5 de la loi non seulement donnaient lieu à diverses interprétations de la compétence du Défenseur, mais aussi ne précisaient pas à l'avance le contenu du terme "informations" utilisé dans la disposition en question. Toutefois, l'analyse comparative de la disposition litigieuse et des articles 10.1 et 12.1.5 permettait de préciser ce contenu et, de ce fait, la mesure dans laquelle le Défenseur avait compétence pour demander des informations aux tribunaux.

La Cour a conclu que les dispositions litigieuses de la loi avaient pour effet de ne pas permettre au Défenseur de demander des informations au tribunal en ce qui concerne l'administration de la justice dans un cas d'espèce et en rapport avec les questions de procédure et de fond soulevées par l'examen d'un dossier.

La Cour a indiqué que la violation par des instances judiciaires des droits en matière de procédure et quant au fond ne pouvait être éliminée que par la Cour d'appel et la Cour de cassation sur la base de recours formés devant elles. La Cour constitutionnelle a souligné que, selon la législation relative à la procédure civile et pénale, le Défenseur n'était pas habilité à former des recours devant la Cour d'appel et la Cour de cassation. Il s'ensuit que si les actions du Défenseur visées par la loi sur le "Défenseur des droits de l'homme" et se proposant de rétablir une personne dans ses droits présumés violés soit étaient rejetées par le tribunal, soit laissaient celui-ci indifférent, le Défenseur n'aurait pas compétence pour former un recours contre ce 'rejet' ou cette 'indifférence' devant l'instance judiciaire supérieure.

La Cour constitutionnelle a expliqué que, selon l'article 67 de la loi sur la Cour constitutionnelle, l'arrêt à rendre doit être basé à la fois sur le sens littéral de la loi et sur la pratique juridique actuelle. S'appuyant sur la pratique établie à la suite de l'application de la disposition litigieuse en République d'Arménie, la Cour constitutionnelle a conclu que les demandes du Défenseur et de son adjoint étaient adressées aux juges et que les informations demandées et les recommandations présentées n'étaient pas justifiées par les besoins de l'administration d'une justice indépendante et impartiale; elles entravaient la procédure judiciaire et pouvaient créer une inégalité entre les parties.

La Cour a indiqué que cette pratique, qui existe dans la législation pertinente des pays européens, avait également été inscrite dans la loi sur le médiateur européen. Cette dernière interdisait au médiateur européen de s'immiscer dans l'examen des affaires dont les tribunaux étaient saisis ou des questions faisant l'objet d'une décision de justice.

Sur la base d'une évaluation du sens littéral de la disposition de la loi litigieuse et de la pratique de l'application des lois, et compte tenu de la pratique internationale, la Cour constitutionnelle a considéré que:

a.     il ne semble pas que l'on ait évité de faire preuve de négligence pendant la mise au point de la loi sur le "Défenseur des droits de l'homme", ce qui a fait apparaître des contradictions entre dispositions législatives et, partant, une pratique contradictoire de l'application des lois;

b.     la disposition litigieuse de la loi qui concerne la demande d'informations que le Défenseur adresse aux tribunaux pourrait nuire à l'indépendance des instances judiciaires ou menacer l'indépendance d'un juge si, pendant l'accomplissement de cette fonction, le terme "informations" était interprété dans un sens non restrictif et devenait ainsi étranger à l'esprit de la loi;

c.     la disposition litigieuse de la loi qui concerne la présentation par le Défenseur de recommandations aux tribunaux pourrait nuire à l'indépendance des instances judiciaires, car elle pourrait empêcher la réalisation de possibilités pratiques pour le juge et le tribunal de se prononcer uniquement à partir d'une évaluation des faits et des circonstances de la cause et de leur propre interprétation de la loi.

L'étude de l'affaire a amené la Cour constitutionnelle à décider ce qui suit:

1.     La disposition énoncée dans la deuxième phrase de l'article 7.2.1 de la loi sur le "Défenseur des droits de l'homme" et donnant au Défenseur le droit de demander des informations aux tribunaux et de leur présenter des recommandations n'est pas née du besoin d'administrer une justice indépendante et impartiale et elle a fait apparaître des contradictions entre dispositions législatives. Par ailleurs, compte tenu de la pratique de l'application des lois, cette disposition empiétait sur les fonctions de l'appareil judiciaire et n'était pas conforme aux dispositions des  articles 39 et  97.1 de la Constitution.

2.     Le droit du Défenseur de demander des informations aux tribunaux dans le cadre de l'application des dispositions des articles 10.1, 12.5.1 et 17.1 de la loi doit pouvoir s'exercer s'il n'empiète pas sur la procédure judiciaire, s'il ne concerne pas l'administration de la justice dans une affaire concrète et s'il ne se rapporte pas aux questions de fond et de procédure soulevées par l'examen du dossier.

Le droit du Défenseur de demander des informations aux tribunaux dans le cadre de l'application des dispositions des articles 10.1, 12.5.1 et 17.1 de la loi doit être clairement prévu par la loi sur le "Défenseur des droits de l'homme" afin de ne pas donner naissance à des pratiques contradictoires au niveau de l'application des lois.

Langues:

Arménien.