CODICES

 

ARM-2007-1-002

 

a) Arménie / b) Cour constitutionnelle / c) Plénière / d) 16-02-2007 / e) DCC-678 / f) Conformité à la Constitution de la République d'Arménie de la dernière phrase de l'article 35.3 et 35.4, de l'article 49.e.2, et de la dernière phrase de l'article 112.4 et 112.5 de la loi de la République d'Arménie sur le Règlement de l'Assemblée nationale de la République d'Arménie / g) Téghékaguir (Journal officiel) / h) .

Mots-clés du Thésaurus systématique:

2.1.3.2.1

Sources - Catégories - Jurisprudence - Jurisprudence internationale - Cour européenne des Droits de l'Homme.

3.3

Principes généraux - Démocratie.

4.5.2

Institutions - Organes législatifs - Compétences.

5.3.21

Droits fondamentaux - Droits civils et politiques - Liberté d'expression.

5.3.23

Droits fondamentaux - Droits civils et politiques - Droits relatifs aux médias audiovisuels et aux autres modes de communication de masse.

5.3.24

Droits fondamentaux - Droits civils et politiques - Droit à l'information.

Mots-clés de l'index alphabétique:

Médias, télévision / Médias, radiodiffusion, société publique de radio-diffusion / Parlement, compétence, nature / Parlement, session, radiodiffusion, obligation.

Sommaire (points de droit):

La Constitution comporte une disposition exhaustive concernant le pouvoir de décision de l'Assemblée nationale, en ce qui concerne ses liens avec d'autres organes. L'expression "questions liées à l'organisation de son fonctionnement" ne peut et ne doit pas autoriser l'Assemblée à imposer des obligations à la société nationale de télévision et de radio, ni à la dégager de ses obligations.

Résumé:

I. Le Président de la République a demandé un examen de la constitutionalité de plusieurs dispositions de la loi sur le Règlement de l'Assemblée nationale. Il a suggéré que celles-ci n'étaient pas conformes à la Constitution, car elles ne garantissaient pas pleinement l'indépendance de l'organe public de radiodiffusion. En vertu de la Constitution, l'État doit garantir l'existence et les activités d'un service indépendant de radio et de télévision public offrant une variété de programmes d'information, culturels et de loisirs.

Le Président a souligné que l'article 62 de la Constitution précise que les compétences de l'Assemblée nationale sont définies par la Constitution. De ce fait, l'Assemblée nationale ne peut pas prendre une décision contraignante concernant la radiodiffusion de ces séances par la société publique de télévision et de radio, en direct ou en différé. En outre, l'article 62 de la Constitution définit clairement la portée des questions réglementées par la loi sur le Règlement de l'Assemblée nationale. Le Règlement définit les procédures des activités de l'Assemblée nationale et de ses organes. Il ne réglemente aucun autre type de relations.

Le Président a fait remarquer que l'indépendance de l'organe public de radiodiffusion est fondée en grande partie sur la liberté d'action de ses journalistes, y compris la liberté de définir une politique et un calendrier des programmes. Elle est aussi fondée sur l'interdiction d'une ingérence de l'État et des partis politiques dans ces activités.

Le défendeur a expliqué que les amendements à la Constitution dans ce domaine exigeaient certaines modifications de la législation, visant à harmoniser les dispositions de la loi sur le Règlement de l'Assemblée nationale et la réglementation des télécommunications publiques avec les amendements à la Constitution ainsi qu'avec les obligations internationales souscrites par la République d'Arménie.

Il a également souligné que la garantie de la publicité des activités de l'Assemblée nationale constituait un progrès démocratique qui ne devait pas être supprimé. L'Assemblée n'a pas précisé dans la législation les dates et périodes de radiodiffusion de ses sessions, mais elle a le pouvoir de prendre des décisions concernant le moment des émissions radiodiffusées et leur contenu.

Le défendeur a argué que la liberté d'action de ce secteur particulier des médias ne devait pas être absolue pour ne pas entrer en conflit avec les droits absolus d'autres parties dans ce domaine, ce qui entraînerait des conflits d'intérêt. Le droit du public à recevoir des informations et des opinions par le biais de la société publique de télévision et de radio n'est pas absolu et fait l'objet de certaines restrictions, aux fins indiquées à l'article 43 de la Constitution. L'article 27.3 de la Constitution garantit la liberté des médias et de la radiodiffusion, mais cette liberté doit être mise en balance avec le droit de chaque individu d'être informé des activités du parlement.

II. La Cour constitutionnelle a noté que l'article 27 de la Constitution d'une part garantit le droit universel à la liberté de parole, et d'autre part insiste sur la liberté d'action des médias de communication de masse et d'autres moyens d'information, afin de garantir la réalisation de ces droits. Elle a attiré particulièrement l'attention sur la phrase "L'État garantit l'existence et les activités d'un service de radio et de télévision indépendant et public offrant une variété de programmes d'information, culturels et de loisirs".

La Cour a souligné que la liberté des médias de communication de masse implique notamment l'indépendance et la liberté de définir la politique, le contenu et l'orientation des programmes, mais aussi l'exclusion d'une ingérence de l'État ou des partis politiques dans ces processus. C'est pour ces raisons, et pour répondre aux obligations internationales souscrites par l'Arménie, que des amendements à      la Constitution ont introduit la réglementation des médias dans la Constitution. L'article 83.2 de la Constitution stipule que "Pour garantir la réalisation des objectifs de liberté, d'indépendance et de pluralité des médias de radiodiffusion, un organe réglementaire indépendant est créé par la loi...".

L'article 27 de la Constitution et la Recommandation R (96)10 du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe concernant la garantie de l'indépendance du service public de la radiodiffusion portent sur la question de la liberté de l'information et de la liberté de la radiodiffusion publique. La Recommandation R (96) 10 souligne l'importance de la liberté des médias dans une société démocratique. Elle recommande aux États membres du Conseil de l'Europe d'adopter une législation visant à garantir l'indépendance du service public de la radiodiffusion. L'indépendance des radiodiffuseurs de service public est essentielle. Le financement de l'État ne doit pas nuire à leur indépendance en matière de programmation.

La Cour constitutionnelle a également attiré l'attention sur l'approche adoptée par la Recommandation 1641 (2004) 1 de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Celle-ci établit une distinction entre le service public de radiodiffusion et la radiodiffusion à motivation purement commerciale ou politique, en raison de la mission spécifique du service public de radiodiffusion, qui est de fonctionner en toute indépendance des centres du pouvoir économique et politique.

La Cour a souligné le statut juridique de la télévision publique en Arménie, qui est précisé par l'article 28 de la loi sur la radio et télédiffusion. Celui-ci définit le service public de télévision comme une entreprise d'État dotée d'un statut spécial octroyé par l'État afin de garantir les droits constitutionnels de la population de recevoir des informations politiques, économiques, éducatives, culturelles, pour les enfants, les adolescents, scientifiques, concernant la langue arménienne et l'histoire, le sport, les loisirs et autres informations populaires. Cette disposition vise clairement à garantir le droit de chacun à recevoir librement ces informations et le moyen d'y parvenir consiste à octroyer un statut spécial à une société de télévision et de radio. La Cour constitutionnelle a noté cependant que la loi mentionnée précédemment avait été adoptée le 9 octobre 2000 et que l'Assemblée nationale n'avait toujours pas adapté les dispositions de cette loi pour les rendre conformes aux modifications de la Constitution.

La Cour constitutionnelle a fait remarquer que la question de la constitutionalité des dispositions contestées ne concerne ni la portée publique de l'objet de la réglementation ni l'opportunité de la radiodiffusion en tant que telle - dont l'importance n'est pas contestée. Elle concerne plutôt la légitimité de la réglementation des relations juridiques entre des entités différentes. Dans ce cas le législateur      a interprété l'expression "questions liées à l'organisation de son fonctionnement" qui figure à la partie 1 de l'article 62 de la Constitution, avec l'aide d'une disposition d'une loi. Examinée à la lumière de l'article 5, de l'article 6, partie 2 et de l'article 62 de la Constitution, cette réglementation n'est pas légitime, car le pouvoir de décision de l'Assemblée nationale en ce qui concerne ses relations avec d'autres organes est décrit dans la Constitution de manière exhaustive. L'expression "questions liées à l'organisation de son fonctionnement" ne peut et ne doit pas lui permettre d'imposer des obligations à la société publique de télévision et de radio, ni de la dégager de ses obligations.

La Cour constitutionnelle a noté le rôle particulier du législateur pour le développement démocratique de tout pays. Le parlementarisme est une culture du pluralisme civilisé et du dialogue qui se manifestent par l'exercice de la gouvernance par des organes représentatifs. La recherche d'une régulation des relations sociales et l'application ouverte et publique du pouvoir de contrôle du législateur constituent des garanties essentielles pour l'instauration de la société civile. Cependant, la Cour européenne des Droits de l'Homme a souligné à plusieurs reprises que les activités des autorités dans les régimes démocratiques doivent pouvoir faire l'objet d'un contrôle public.

Au cours des quinze dernières années, la transparence du pouvoir législatif est également devenue une tradition stable de la République d'Arménie. La garantie de cette transparence est un principe d'un État démocratique respectant laprimauté du droit, dont la mise en œuvre est prévue pour des motifs juridiques et d'organisation. Ces motifs doivent être légitimes et conformes à la doctrine de la séparation des pouvoirs. Ils ne doivent pas violer l'exigence d'une indépendance fonctionnelle et structurelle des institutions mises en place par la Constitution. Par ailleurs, les modifications à la Constitution de l'Arménie fixent de nouvelles exigences garantissant la liberté et l'indépendance des médias de communication de masse. L'Assemblée nationale doit maintenant satisfaire ces exigences, en alignant sur la Constitution la législation concernant les médias. Les lois pertinentes sont la loi sur la télévision et la radio adoptée le 9 octobre 2000, la loi sur l'information de masse adoptée le 13 décembre 2003, la loi sur le Règlement de l'Assemblée nationale et les dispositions pertinentes contenues dans d'autres lois.

La Cour constitutionnelle a déclaré que l'instauration d'une télévision et d'une radio de service public ne suffisait pas pour satisfaire les obligations internationales de l'Arménie. Il faut rapidement régler ce problème, car il n'est pas pleinement résolu par l'examen de la constitutionalité de telle ou telle disposition. La pratique internationale montre que l'objectif à viser consiste à offrir une publicité maximale aux activités parlementaires, tout en sauvegardant soigneusement l'indépendance des médias. C'est au législateur de décider de la manière d'y parvenir.

Langues:

Arménien.