ARM-2011-3-003

 

a) Arménie / b) Cour constitutionnelle / c)  / d) 15-11-2011 / e) DCC-997 / f) Constitutionnalité de l’article 1087.1 du Code civil / g) Téghékaguir (Journal officiel) / h) CODICES (anglais).

Mots-clés du Thésaurus systématique:

5.3.1   

Droits fondamentaux - Droits civils et politiques - Droit à la dignité.

5.3.21

Droits fondamentaux - Droits civils et politiques - Liberté d'expression.

 

Mots-clés de l'index alphabétique:

Dignité humaine, injure, diffamation / Indemnisation.

Sommaire (points de droit):

La dignité humaine revêt une importance primordiale dans le cadre de la jouissance libre et reconnue des libertés et droits fondamentaux d’une personne. Toute restriction légale apportée à l’exercice de ces droits et libertés doit être proportionnelle et trouver son origine dans les principes démocratiques du droit international et du droit interne, qui ne sauraient porter atteinte aux droits fondamentaux de l’être humain.

 

Résumé:

I. Le Défenseur des droits de l’homme contestait la constitutionnalité de l’article 1087.1 du Code civil, qui concerne la responsabilité civile en cas d’injure et de diffamation. Selon le requérant, les dispositions de l’article en question étaient une source d’insécurité juridique. Étant donné que les dispositions ne précisaient pas des éléments importants de la réglementation, l’ambiguïté créait des conditions pouvant aboutir à une interprétation et une application arbitraires et larges de l’article. Le requérant considère que l’article ne précise pas suffisamment la finalité de la réparation et les principes applicables à la mise en œuvre de celle-ci.

II. Dans cette affaire, la Cour constitutionnelle a analysé la constitutionnalité des normes contestées, les instruments internationaux pertinents, les prises de position juridiques de la Cour européenne des Droits de l’Homme, et la pratique législative et judiciaire pertinente de pays étrangers. À partir de cette analyse, la Cour constitutionnelle a jugé que les dispositions contestées devaient être interprétées et mises en œuvre de la manière suivante:

- Toute restriction du droit à la liberté d’expression doit être définie par la loi, destinée à protéger un intérêt légitime et être nécessaire pour assurer le respect de l’intérêt en question.

- L’honneur, la dignité ou la réputation profession-nelle d’une personne sont protégés vis-à-vis des actes diffamatoires d’autrui uniquement par le droit civil, et l’expression «personne» ne s’applique pas aux organes de l’État en tant que personnes morales.

- Les termes «diffamation» et «injure» ne peuvent être pris en compte que s’il existe un élément intentionnel avec pour objectif de diffamer une personne.

- Il n’est pas possible d’appliquer une réparation matérielle à des jugements de valeur, car cela restreindrait d’une manière inutile et disproportionnée le droit fondamental à la liberté d’expression étant donné que les médias n’ont pas seulement pour rôle de simplement rendre compte de faits: les médias sont obligés d’interpréter des faits et des événements pour informer la société et favoriser les discussions sur des questions importantes pour celle-ci.

- Le fait que les défendeurs soient des représentants des médias ne saurait être considéré comme un facteur aggravant leur responsabilité.

- La décision des instances internes doit se fonder sur une évaluation acceptable des faits importants pour l’affaire.

- Il faut aborder avec une grande prudence l’octroi d’une réparation matérielle pour injure, étant donné que la Cour européenne des Droits de l’Homme a précisé à maintes reprises que la tolérance et l’expression d’une grande diversité d’opinions constituent le fondement de la démocratie et que le droit à la liberté d’expres-sion protège non seulement des propos qui peuvent être admis par tous mais aussi des expressions qui peuvent être considérées comme effrayantes, offensantes et choquantes.

- S’agissant de la réparation matérielle, il faut dûment envisager de la restreindre en ce qui concerne la liberté d’expression, tout en réfléchissant à la possibilité de protéger de manière légitime la réputation par d’autres moyens existants.

Le préjudice causé par des expressions (actes) diffamatoires doit faire en priorité l’objet d’une réparation non matérielle. La réparation matérielle doit se limiter au remboursement du préjudice direct occasionné à l’honneur, la dignité ou la réputation professionnelle de la personne diffamée, et elle ne doit s’appliquerque lorsqu’une réparation non matérielle ne suffit pas pour réparer le préjudice.

- Au moment de se prononcer sur la légitimité de la réparation, il faut considérer comme un facteur à prendre en compte les moyens limités du défendeur ainsi que ses revenus; il ne faut pas faire peser sur le défendeur une charge financière exagérément lourde ayant des répercussions financières négatives déterminantes pour son activité.

- Lorsqu’un requérant demande la réparation matérielle d’un préjudice non matériel, il doit prouver l’existence de ce préjudice.

- Le montant maximum de la réparation que prévoit la loi n’est applicable que lorsqu’il existe un fondement particulièrement grave et solide.

- L’évaluation critique de faits sans contexte factuel, dont il est possible d’établir le caractère mensonger, ne saurait être un motif permettant d’exiger une réparation. En cas d’atteinte à la bonne réputation d’une personne, même si l’information inexacte a consisté en un jugement de valeur, une réparation non matérielle peut être accordée.

- Pour déterminer le montant de la réparation, il faut prendre en considération des facteurs tels que le préjudice moral et l’absence de volonté de présenter des excuses.

- Le fait que soit invoqué le droit de ne pas divulguer les sources confidentielles des informations d’un journaliste, alors même que ces informations sont considérées comme étant d’intérêt général, ne saurait être interprété au détriment du défendeur au moment de statuer sur le montant de la réparation.

- S’agissant des membres de la classe politique et des personnes qui exercent des mandats publics, les publications concernant des questions d’intérêt général bénéficient d’une protection maximale; et, en ce qui concerne le montant de la réparation, le statut du demandeur ne saurait être interprété au détriment du défendeur.

- Lorsque des formes extrajudiciaires de répara-tion, y compris des mécanismes volontaires ou autorégulateurs ont été employés pour atténuer le préjudice causé à l’honneur et à la réputation du requérant, cela doit être pris en compte.

- Il faut obligatoirement proposer aux parties de conclure un règlement amiable et les y aider. Tout en évaluant le préjudice, il faut considérer comme une circonstance atténuante la décision de conciliation.

- Le droit de protéger la vérité, le droit de protéger l’opinion et le droit de transmettre des propos tenus par autrui doivent être reconnus publique-ment.

La Cour constitutionnelle a jugé que l’article 1087.1 était conforme à la Constitution car il s’inscrit à la fois dans le cadre constitutionnel tel qu’il ressort des opinions juridiques qu’exprime la décision et dans le cadre des engagements internationaux de la République d’Arménie.

Langues:

Arménien.