Yves GUENA
Président du Conseil constitutionnel

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL FRANÇAIS

Le Conseil constitutionnel français a été institué par la Constitution française du 4 octobre 1958, qui crée la Vème République. Bien qu'ayant connu une évolution importante depuis sa création le Conseil constitutionnel demeure une institution originale, qui a une position spécifique tant au sein du système français que parmi ses homologues étrangers.
Alors que pendant l'entre deux guerres et plus encore après la seconde guerre mondiale, les Cours constitutionnelles se multiplient en Europe, la France attend 1958 pour créer un Conseil constitutionnel. En effet, l'organe créé par la Constitution du 27 octobre 1946 et intitulé « Comité constitutionnel », n'avait qu'un rôle mineur et formel, et ne constitue pas un réel précédent de l'institution. Le caractère récent de l'institution d'une Cour constitutionnelle s'explique par la tradition constitutionnelle française profondément attachée à la souveraineté absolue de la loi, « expression de la volonté générale », selon les termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Lasse du régime d'assemblée et de ses dérives sous les IIIème et IVème République, la France va élaborer en 1958, sous l'impulsion du général de Gaulle, une constitution nouvelle, dont l'objectif prioritaire sera de redonner au pouvoir exécutif les moyens de gouverner. Sans renoncer aux fondements du régime parlementaire, le constituant dresse de façon limitative les attributions du Parlement. C'est d'abord pour assurer le respect de ces limites qu'il crée le Conseil constitutionnel. Parmi les compétences variées que confie à celui-ci le constituant, le respect du partage des domaines respectifs de la loi et du règlement, est, à l'époque, regardé comme essentiel.

Nul ne prévoyait alors qu'à l'instar des Cours constitutionnelles américaines ou européennes, le Conseil constitutionnel serait amené à occuper la place prééminente qui est aujourd'hui la sienne dans l'équilibre institutionnel et dans la protection des libertés fondamentales.

LES ORIGINES ET L'EVOLUTION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Le titre VII de la Constitution du 4 octobre 1958 consacré au Conseil constitutionnel lui donne une double mission : en matière électorale, il joue un rôle important dans l'organisation des élections présidentielles, (rôle accru depuis 1962 où l'élection a désormais lieu au suffrage universel) puis dans leur contrôle ; il assure le contentieux des élections des députés et sénateurs ; il organise les opérations de référendum dont il proclame les résultats.
Le contrôle de la constitutionnalité des lois ordinaires n'est pas, dans sa conception initiale, une des compétences essentielles du Conseil constitutionnel. Comme il a été souligné, le respect du domaine respectif de la loi et du règlement apparaît comme la tâche principale du nouvel organe. A l'époque, la possibilité de saisir le Conseil constitutionnel de la conformité d'une loi ou d'un traité à la Constitution, avant leur entrée en vigueur, était réservée à quatre autorités seulement : le Président de la République, le Premier ministre et chacun des Présidents des deux assemblées. Les saisines étaient rares. Elles portaient pour l'essentiel sur les lois organiques et le règlement des assemblées parlementaires qui, en vertu de la Constitution, sont soumis au contrôle obligatoire du Conseil.
L'évolution juridique consistant à garantir le respect par le législateur des droits fondamentaux à valeur constitutionnelle s'est faite en deux étapes successives.

Le Conseil constitutionnel a tout d'abord tranché un débat sur la portée normative du Préambule de la Constitution de 1958, lequel fait référence à celui de la Constitution de la IVème République et à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Alors qu'une partie de la doctrine et des rédacteurs de la Constitution ne voyaient dans les principes contenus dans ces textes que des affirmations philosophiques dénuées de portée juridique directe, le Conseil constitutionnel, implicitement dès 1970, puis par une décision expresse du 16 juillet 1971, en a reconnu la pleine valeur normative. A cette occasion, il a fait ressortir du Préambule de la Constitution de 1946 le caractère constitutionnel de la liberté d'association, principe fondamental reconnu par les lois de la République.

Le renforcement du rôle du Conseil dans l'ordre juridique est aussi dû à la révision constitutionnelle du 29 octobre 1974, qui a élargi à 60 députés ou à 60 sénateurs la possibilité de contester la constitutionnalité d'une loi ordinaire. Cette réforme a eu, dès son entrée en vigueur, un effet considérable sur le nombre de saisines, mais aussi sur la nature des textes soumis au contrôle de constitutionnalité. En effet, elle confère à l'opposition un moyen de développer des arguments pour contester la constitutionnalité de lois au contenu desquelles elle n'adhère pas. La possibilité de saisir le Conseil constitutionnel est ainsi devenue un pouvoir essentiel pour l'opposition parlementaire

Conçu initialement comme un arbitre ayant essentiellement pour fonction de contrôler le respect du domaine de la loi par le législateur, le Conseil s'est donc transformé en juge de la conformité de la loi à l'ensemble des règles et principes à valeur constitutionnelle

LA COMPOSITION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

La Constitution prévoit en son article 56 que le Conseil constitutionnel est composé de neuf membres, dont le mandat dure neuf ans et ne peut être reconduit ; cette disposition garantit l'indépendance de ses membres. Le Conseil constitutionnel est renouvelé par tiers tous les trois ans. En cas de décès ou de démission, l'autorité de nomination désigne un nouveau conseiller pour la durée du mandat restant à courir. Toutefois, une personne nommée en remplacement d'un conseiller décédé ou démissionnaire dont le mandat devait expirer avant trois ans, peut être nommée à nouveau pour neuf ans.
Trois membres sont nommés par décision du Président de la République, lequel désigne aussi le Président du Conseil parmi l'ensemble des membres (pas seulement parmi ceux qu'il a lui même désignés).
Liste des Présidents du Conseil constitutionnel
Membres Nomination en tant que Président Durée du mandat Auteur de la nomination
Léon NOEL 20 février 1959 1959 - 1965 Charles DE GAULLE
Gaston PALEWSKI 23 février 1965 1965 - 1974 Charles DE GAULLE
Roger FREY 22 février 1974 1974 - 1983 Georges POMPIDOU
Daniel MAYER 21 février 1983 1983 - 1986 François MITTERRAND
Robert BADINTER 20 février 1986 1986 - 1995 François MITTERRAND
Roland DUMAS 24 février 1995 1995 - 2000 François MITTERRAND
Yves GUENA 1er mars
2000 2000 - Jacques CHIRAC

Trois membres sont nommés par le Président de l'Assemblée nationale et trois autres par le Président du Sénat. Peuvent faire l'objet d'une nomination au Conseil constitutionnel tous les citoyens jouissant de leurs droits civiques et politiques. Aucune condition de formation juridique ou autre n'est exigée par la Constitution. En pratique, il est fait appel à des personnalités dont la compétence est reconnue dans le domaine du droit ou des sciences politiques. En outre, sont membres de droit à vie du Conseil constitutionnel les anciens Présidents de la République. Jusqu'à présent, seuls deux Présidents de la IVème République, le Président René Coty et le Président Vincent Auriol, y ont siégé en cette qualité. Le seul ancien Président de la Vème République non décédé qui pourrait y sièger actuellement, M. Valéry Giscard d'Estaing, ne le peut en raison d'une incompatibilité avec sa fonction de parlementaire
Sauf dans les cas de remplacement en cours de mandat, l'entrée en fonction a lieu au début du mois de mars tous les trois ans. Les membres nommés au Conseil constitutionnel prêtent serment devant le Président de la République. Ils jurent de « bien et fidèlement remplir leurs fonctions et de les exercer en toute impartialité dans le respect de la Constitution, ainsi que de garder le secret des délibérations et des votes. » Seuls les membres de droit sont dispensés de prêter serment.
Le statut des membres du Conseil constitutionnel est en grande partie défini par l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique relative au Conseil constitutionnel, plusieurs fois modifiée, et, à titre complémentaire, par un décret du 13 novembre 1959 relatif à leurs obligations. Celles-ci se définissent principalement par la réserve qu'ils sont tenus de respecter, et par le régime strict des incompatibilités qui leur est applicable.
Le régime des incompatibilités prescrit par l'article 57 de la Constitution interdit le cumul de la fonction de membre du Conseil constitutionnel avec celle de ministre ou de membre du Parlement.
L'ordonnance du 7 novembre 1958 complète et précise l'article 57 de la Constitution, disposant en particulier que les fonctions de membre du Conseil constitutionnel sont incompatibles avec celles de membre du Conseil économique et social. Depuis l'entrée en vigueur de la loi organique du 19 janvier 1995, les membres du Conseil constitutionnel ne peuvent plus acquérir de mandat électif ou exercer une fonction de conseil qui n'était pas la leur avant le début de leur mandat. Les incompatibilités applicables aux membres du Parlement leur sont également applicables. Le décret du 13 novembre 1959 leur interdit en outre d'occuper pendant la durée de leurs fonctions tout poste de responsabilité ou de direction au sein d'un parti ou d'un groupement politique. En cas de difficulté, le Conseil statue sur la compatibilité entre la qualité de membre et l'activité en cause.

L'ADMINISTRATION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Pour accomplir sa mission, le Conseil constitutionnel dispose d'une administration en nombre réduit. Toutes catégories confondues c'est environ cinquante collaborateurs qui la constituent. Ils sont soit détachés de leur administration d'origine, soit recrutés par voie contractuelle. Seuls les postes de secrétaire général et de trésorier sont prévus par les textes. Le décret du 13 novembre 1959 dispose que « le secrétaire général prend les mesures nécessaires à la préparation et à l'organisation des travaux du conseil ». Un service juridique est rattaché au secrétariat général, composé traditionnellement d'un administrateur de l'assemblée nationale, d'un magistrat judiciaire et d'un magistrat administratif. Grâce à eux, le travail législatif peut être suivi en amont des saisines et les difficultés repérées précocement. Le service administratif et financier dont le chef de service est le Trésorier du Conseil assure le fonctionnement administratif du Conseil, tandis qu'ont été crées un service du greffe et de l'informatique, un service de documentation, de la bibliothèque et du site internet du conseil. Le Conseil offre en effet une information complète et constamment actualisée sur ses décisions (qui y sont reproduites quelques heures après leur prononcé), ses missions, son fonctionnement et ses activités extérieures (notamment internationales). A été créé en 1995 un service des relations extérieures qui est en charge aussi bien des relations internationales que des relations avec la presse, les universités et avec le public.

Le Conseil constitutionnel siège depuis sa création dans l'aile Montpensier du Palais Royal, à Paris. Voisin du Conseil d'Etat, du Ministère de la Culture et de la Comédie française, il a succédé dans ces locaux à la Cour des Comptes et au Conseil économique et social.
Bâti par le Cardinal de Richelieu à partir de 1624, le Palais-Royal fut habité par Anne d'Autriche puis par les Orléans jusqu'à la Révolution. Son aile Montpensier fut la demeure de Jérôme Bonaparte, frère de Napoléon Ier, puis sous le Second Empire celle de son fils Jérôme qui la fit redécorer pour la princesse Marie-Clotilde de Savoie, son épouse.

LES ATTRIBUTIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Outre ses fonctions essentielles en matière de contrôle de constitutionnalité des normes et de contrôle de la régularité des grandes consultations politiques, le Conseil constitutionnel est appelé à statuer ou donner son avis sur certaines situations juridiques.

A) - La vérification de la constitutionnalité des normes juridiques représente l'activité primordiale du Conseil
a) - S'agissant des lois, ce contrôle prend la forme d'un contrôle a priori, c'est-à-dire exercée avant l'entrée en vigueur de ces normes. Une norme déclarée contraire à la Constitution ne peut être mise en vigueur. Une loi déclarée partiellement contraire à la Constitution peut tout de même être promulguée pour sa partie séparable des dispositions censurées.
Le journal officiel publiera alors la loi en mentionnant en face des articles censurés : « article déclaré non conforme à la constitution par le Conseil constitutionnel » Il est fréquent que le Gouvernement dépose un nouveau projet de loi sur les dispositions censurées afin de les rendre conformes à la Constitution.
Il est également possible pour le Président de la République, aux termes de la Constitution, de soumettre le texte à une nouvelle lecture du Parlement, que ce dernier ne peut refuser ; cette possibilité est rarement utilisée
Le contrôle de constitutionnalité repose sur l'application de normes de référence au respect desquelles les lois sont soumises. L'ensemble de ces normes forme ce que l'on a souvent appelé "le bloc de constitutionnalité". Il se compose de la Constitution de 1958 proprement dite, de Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et du Préambule de la Constitution de 1946. Le Préambule de la Constitution de 1946 fait lui-même référence à des principes politiques, économiques et sociaux "particulièrement nécessaires à notre temps", ainsi qu'aux "principes fondamentaux reconnus par les lois de la République".
Les "principes fondamentaux reconnus par les lois de la République" sont ceux qui se dégagent, par leur importance et leur continuité, de la législation républicaine édictée avant l'entrée en vigueur de la Constitution de la IVème République. Outre la liberté d'association, ils comprennent en particulier la liberté individuelle, la liberté de conscience, la liberté de l'enseignement, le respect des droits de la défense, l'indépendance des professeurs d'université, le domaine de compétence et l'indépendance de la juridiction administrative, le rôle de l'autorité judiciaire en qualité de gardienne de la propriété individuelle. Dans une décision toute récente du 29 août 2002, relative à la loi d'orientation et de programmation pour la justice, le Conseil a dégagé un nouveau principe fondamental reconnu par les lois de la République : il se rapporte à la protection pénale des mineurs.
En 1973, par une décision relative à la loi de finances pour 1974, le Conseil a consacré le principe d'égalité devant la loi tel qu'il est contenu dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Depuis lors, l'application de ce principe est très souvent en cause.
D'autres principes ou objectifs de valeur constitutionnelle ne trouvent pas nécessairement leur source directe dans une norme écrite de la Constitution, de la Déclaration des Droits de l'Homme ou du Préambule de la Constitution de 1946. Ils résultent de la prise en compte de leur combinaison : les principes de la dignité de la personne humaine et de la continuité du service public se sont ainsi vus reconnaître le rang de principes à valeur constitutionnelle ; la sauvegarde de l'ordre public, le respect de la liberté d'autrui, la préservation du caractère pluraliste des courants d'expression socio-culturels, la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent, l'accessibilité et l'intelligibilité de la loi se sont vu reconnaître le statut d'objectifs à valeur constitutionnelle. D'autres exigences , comme la liberté contractuelle, ont un statut constitutionnel encore en devenir.
Le Conseil constitutionnel est ainsi amené à garantir le respect de libertés et de droits essentiels tels que le respect de la liberté individuelle (décisions du 12 janvier 1977 et du 18 janvier 1995 relatives à la fouille des véhicules), la protection de la santé de la mère et de l'enfant et le respect de la liberté de conscience (décision du 15 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de grossesse), le droit de grève (décision du 25 juillet 1979 concernant le droit de grève à la radio et à la télévision), la liberté d'aller et venir (décision des 19 et 20 janvier 1981 relative à la loi renforçant la sécurité et la liberté des personnes), l'inviolabilité du domicile (décision du 29 décembre 1983 relative à la loi de finances pour 1984), la liberté du mariage, le droit de mener une vie familiale normale et le droit au regroupement familial (décision du 13 août 1993 concernant la loi relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France), la sauvegarde de la dignité de la personne humaine (décision du 27 juillet 1994 concernant la loi relative au respect du corps humain et la loi relative à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale, à la procréation et au diagnostic prénatal), la liberté d'expression des idées et des opinions (décision du 29 juillet 1994 concernant la loi relative à l'emploi de la langue française), et les principes fondamentaux du droit pénal et répressif : caractère personnel de la faute, nécessité d'un élément moral pour définir un crime ou un délit (décision du 16 juin 1999 relative à la loi sur la sécurité routière).
En vertu de l'article 61, alinéa 1, le Conseil constitutionnel est saisi obligatoirement des lois organiques avant leur promulgation, et des règlements des assemblées parlementaires et de leurs modifications avant leur mise en application.
Les lois ordinaires, on l'a vu, sont soumises que sur saisine du Président de la République, du Premier Ministre, du Président de l'Assemblée nationale, du Président du Sénat ou de soixante députés ou sénateurs (article 61, alinéa 2). Les autorités habilitées à saisir le Conseil disposent d'un délai court entre le moment où la loi est définitivement votée et le moment où le Président de la République la promulgue. En effet, l'article 10 de la Constitution fixe au Président de la République un délai maximum de 15 jours pour promulguer la loi sans prévoir de délai minimum, délai qui se trouve, de fait, être celui dont disposent les requérants pour saisir le Conseil. Mais, en pratique, le secrétariat général du gouvernement s'assure, avant d'entamer la procédure de promulgation, qu'aucune saisine n'est en gestation. La requête est introduite par une lettre adressée au Président du Conseil constitutionnel, sans condition particulière de présentation (en dehors de la signature). La motivation des requêtes n'est pas exigée, même si elle s'est généralisée.
En vertu de l'article 61 de la Constitution, le Conseil est saisi de la loi dans sa totalité, bien que la requête ne porte, dans la plupart des cas, que sur une partie de ses articles. Il n'est donc pas tenu par les moyens ou l'objet de la saisine et reste libre de faire porter son contrôle non seulement sur les seules dispositions contestées, mais encore sur d'autres dispositions. Toutefois, le Conseil ne se prononce sur les articles non contestés que s'il les examine d'office. Aucun "brevet de constitutionnalité" n'est délivré aux dispositions non contestées et non examinées d'office.
Sur le plan psychologique, il faut souligner que le Conseil constitutionnel, à la différence de la plupart des autres cours constitutionnelles, intervient « à chaud » et sur tout un ensemble de dispositions controversées. A cet égard, son intervention joue souvent un rôle d'apaisement. En contrepartie, ses décisions sont naturellement exposées au risque de la critique politique.
Les lois référendaires, adoptées par le peuple souverain, ne sont pas soumises au contrôle de constitutionnalité. Ce principe établi par une décision du 6 novembre 1962 relative à la loi référendaire modifiant le mode d'élection du Président de la République, a été réaffirmé par la décision du 23 septembre 1992, relative à la loi autorisant la ratification du Traité de Maastricht adoptée à la suite d'un référendum. Il a été souligné à cette occasion que les lois que la Constitution a entendu soumettre au contrôle de constitutionnalité "sont uniquement les lois votées par le Parlement et non celles qui, adoptées par le peuple français à la suite d'un référendum, constituent l'expression directe de la souveraineté nationale".
Le Conseil constitutionnel est aussi habilité à se prononcer sur la répartition des compétences entre la loi et le règlement. Il peut le faire de deux manières.
Au cours du débat législatif, en vertu de l'article 41 de la Constitution, le Conseil constitutionnel statue, en cas de désaccord entre le Gouvernement et le Président de l'assemblée intéressée, à la demande de l'un ou de l'autre, dans un délai de huit jours, s'il apparaît au cours de la procédure législative qu'une proposition ou un amendement n'est pas du domaine de la loi ou est contraire à une délégation accordée en vertu de l'article 38 lequel autorise le Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures qui sont du domaine de la loi. Ce mode de saisine n'a été utilisé que 11 fois depuis 1959, et jamais depuis une décision du 23 mai 1979.
Après promulgation de la loi, le Conseil constitutionnel, saisi en vertu de l'article 37, alinéa 2, par le Premier ministre, prononce le déclassement d'un texte de forme législative dans le cas où ce dernier est intervenu dans le domaine réglementaire. Le déclassement permet au Gouvernement de retrouver sa compétence réglementaire pour modifier le texte. Cette attribution concerne les seuls textes adoptés après l'entrée en vigueur de la Constitution. Pour les lois antérieures à la Constitution de 1958, portant sur des matières qui ne sont plus législatives en application de la répartition des compétences entre la loi et le règlement opérée par les articles 34 et 37 de la Constitution, l'avis du Conseil d'Etat suffit pour « déclasser » le texte.
b) Le Conseil constitutionnel peut se prononcer sur la conformité d'un engagement international à la Constitution. A cette fin, il est saisi par le Président de la République, le Premier ministre, le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Sénat et, depuis la révision constitutionnelle du 25 juin 1992, par 60 députés ou 60 sénateurs. En vertu de l'article 54 de la Constitution, si un traité ou un accord international comporte une clause contraire à la Constitution, la ratification ou l'approbation ne peut intervenir qu'après révision de la Constitution. Il convient d'observer que le Conseil peut également être saisi de la loi de ratification d'un traité avant sa promulgation (article 61).
C'est sur le fondement de l'article 54 de la Constitution, que le Conseil constitutionnel a été amené à juger sur quels points les modifications de la Constitution étaient rendues nécessaires par l'adoption du Traité de Maastricht (décision du 9 avril 1992), du Traité d'Amsterdam (décision du 31 décembre 1997), du Traité portant statut de la Cour pénale internationale (décision du 22 janvier 1999) et de la Charte des langues régionales ou minoritaires (décision du 15 juin 1999).

c) - Une procédure simple et informelle

Les textes n'ont prévu aucune procédure particulière pour l'exercice du contrôle de constitutionnalité des lois. La Constitution se borne à indiquer les délais impartis au Conseil constitutionnel pour rendre ses décisions. Il statue dans le délai d'un mois, mais ce délai peut être ramené à huit jours si le Gouvernement déclare l'urgence, ce qui est exceptionnel. Dans la pratique, la procédure mise en oeuvre pour le contrôle de constitutionnalité présente les principaux caractères du droit commun processuel (caractère contradictoire de la procédure, caractère secret du délibéré). Elle est proche de celle suivie par le juge administratif, comme en témoigne notamment son caractère écrit.
Trois grandes phases ponctuent l'examen auquel procède le Conseil.
La première s'ouvre avec la nomination parmi les membres, par le Président, d'un rapporteur chargé de l'instruction du dossier. Celui-ci mène alors, avec l'aide du secrétariat général, les investigations juridiques nécessaires.
La deuxième phase assure le caractère contradictoire de la procédure, puisque le rapporteur entend les observations du secrétariat général du Gouvernement. Ces observations sont ensuite formulées par écrit et transmises aux auteurs de la saisine, qui peuvent alors répondre par la production d'un mémoire en réplique.
Une large diffusion de ces échanges est désormais assurée par la publication au Journal officiel des saisines opérée depuis juin 1983 et des observations en réponse du Gouvernement acquise depuis décembre 1994.
La prise de décision constitue la troisième et dernière phase de la procédure. Le Conseil se réunit alors à huis clos sur convocation du Président pour délibérer. Un quorum de sept conseillers est nécessaire, sauf cas de force majeure constatée au procès-verbal. Le Conseil peut déclarer la loi conforme à la Constitution ou prononcer une censure totale ou partielle de ses dispositions. Toutefois, les solutions ne sont pas toujours aussi tranchées, et il arrive que le Conseil adopte une démarche plus nuancée. C'est le cas lorsque, tout en déclarant une disposition conforme à la Constitution, il formule à l'attention des autorités chargées de son application, autorités administratives et juridictionnelles, une réserve d'interprétation. La loi n'est donc déclarée conforme qu'en tenant compte de cette interprétation que l'on qualifie parfois de "neutralisante". Les réserves font partie intégrante de la décision et en ont la valeur juridique.
B) L'examen de la régularité des consultations nationales constitue le second aspect important de l'activité du Conseil
En vertu des articles 58, 59 et 60 de la Constitution, le Conseil constitutionnel est compétent pour les consultations nationales que sont les élections législatives, sénatoriales, l'élection présidentielle et le référendum. Pour les deux dernières, il est investi de compétences à la fois consultatives, opérationnelles et contentieuses.
a) L'élection présidentielle
En vertu de l'article 58 de la Constitution, "le Conseil constitutionnel veille à la régularité de l'élection du Président de la République. Il examine les réclamations et proclame les résultats du scrutin".
Le Conseil intervient donc à toutes les phases de l'élection présidentielle. Pour remplir sa mission, il bénéficie de la collaboration de dix rapporteurs adjoints paritairement choisis parmi les maîtres des requêtes au Conseil d'Etat et les conseillers référendaires à la Cour des comptes. Les textes ne prévoient aucune procédure particulière. Aussi le Conseil se réunit-il en assemblée plénière pour statuer sur toutes les questions qui lui sont posées.
Le Conseil est consulté par le Gouvernement sur tous les textes organisant les opérations électorales : calendrier, formulaires de présentation d'un candidat, déroulement du scrutin... Ses avis ne sont pas rendus publics.
Ensuite, le Conseil intervient avant le début du scrutin pour établir la liste des candidats. Il vérifie si chaque candidat à l'élection présidentielle dispose effectivement des 500 signatures (parrainages) exigées par la loi et si, parmi les signataires, figurent des élus d'au moins trente départements ou territoires d'outre-mer, sans que plus d'un dixième d'entre eux puissent être les élus d'un même département ou territoire d'outre-mer. Il s'assure de la régularité des candidatures au regard des autres conditions posées par la loi.
Il veille aussi au bon déroulement des opérations électorales et envoie sur place de très nombreux délégués, choisis parmi les magistrats de l'ordre judiciaire ou administratif, qui sont investis d'une mission de conseil et de contrôle. Le Conseil peut être saisi par ces derniers lorsqu'ils constatent des irrégularités ou, dans les quarante-huit heures suivant la clôture du scrutin, par le préfet ou le représentant d'un candidat. Il peut être également saisi par les électeurs, mais uniquement par le biais d'une réclamation faite au procès-verbal du bureau de vote.
Après le premier tour de scrutin, le Conseil constitutionnel, ayant tiré les conséquences des irrégularités constatées dans les bureaux de vote, rend publics les résultats obtenus par les candidats. Il arrête les noms des deux candidats admis à se présenter au second tour. A l'issue de ce dernier, il proclame, dans un délai maximum de dix jours, les résultats définitifs et le nom du Président élu.
Ensuite, il appartient au Conseil de contrôler les comptes de campagne qui ont été déposés par les candidats deux mois au plus tard après l'élection en vérifiant le respect des règles de financement des campagnes, notamment celui des plafonds des dépenses.
Après avoir mis en oeuvre une procédure contradictoire, le Conseil approuve le plus souvent après réformation ou rejette les comptes des candidats. En cas de non dépôt du compte, de dépassement du plafond légal des dépenses ou de rejet du compte par le Conseil constitutionnel, le candidat n'est pas déclaré inéligible, mais il perd le droit ouvert par la loi au remboursement des dépenses qu'il a personnellement engagées.
b) Le référendum
En vertu de l'article 60 de la Constitution "le Conseil veille à la régularité des opérations de référendum et en proclame les résultats". Le chapitre VII de l'ordonnance portant loi organique du 7 novembre 1958 sur le Conseil constitutionnel complète et précise cette disposition. Il prévoit que le Conseil est consulté par le Gouvernement sur l'organisation des opérations de référendum.
Pendant le scrutin référendaire, le Conseil veille au bon déroulement des opérations électorales. Comme pour les élections présidentielles il désigne des délégués qui effectuent un contrôle sur place.
Après le scrutin, il assure directement le recensement général des votes, examine et tranche définitivement toutes les réclamations des électeurs et peut, dans le cas où il relève de graves irrégularités, prononcer l'annulation des suffrages obtenus dans les bureaux concernés. Enfin il proclame les résultats. Il exerce ces fonctions avec le concours des rapporteurs adjoints.
c) Les élections à l'Assemblée nationale et au Sénat
La Constitution de 1958 rompt avec la tradition parlementaire qui confiait aux assemblées elles-mêmes le contrôle de la régularité de l'élection des députés et des sénateurs. Cette tradition avait donné lieu à des abus. Le contentieux appartient depuis 1958 au juge constitutionnel.
L'article 59 de la Constitution prévoit en effet que "le Conseil constitutionnel statue, en cas de contestation, sur la régularité de l'élection des députés et sénateurs". L'ordonnance portant loi organique du 7 novembre 1958 sur le Conseil constitutionnel précise le rôle qui lui incombe en disposant que "pour le jugement des affaires qui lui sont soumises, le Conseil constitutionnel a compétence pour connaître de toute question et exception posées à l'occasion de la requête. En ce cas, sa décision n'a d'effet juridique qu'en ce qui concerne l'élection dont il est saisi".
Sa compétence contentieuse est donc pleine et entière dans ce domaine. Mais le Conseil n'intervient qu'en qualité de juge de l'élection, après le déroulement des opérations électorales. Il n'est investi d'aucun pouvoir consultatif. Il accepte toutefois de se prononcer, à titre exceptionnel, sur un acte préparatoire dans la mesure où l'irrecevabilité opposée à une requête préalable portant sur un tel acte pourrait ensuite le conduire à remettre en cause la totalité du déroulement des élections.
Le droit de contester une élection appartient à toutes les personnes inscrites sur les listes électorales de la circonscription concernée, ainsi qu'aux personnes ayant fait acte de candidature dans cette circonscription. Mais, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 15 janvier 1990, le Conseil constitutionnel doit aussi être saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques en cas d'absence de dépôt ou de rejet du compte de campagne. Le Conseil déclare alors, le cas échéant, l'inéligibilité et donc la cessation du mandat du candidat si celui-ci a été élu. Les griefs relatifs à la méconnaissance de la législation sur le financement des campagnes peuvent également être invoqués par les requérants. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques en est alors avisée.
Après avoir statué sur sa compétence, le Conseil doit appliquer la procédure particulière prévue aux articles 36 et suivants de l'ordonnance de 1958 complétée par son règlement intérieur.
Le Conseil s'organise en trois sections composées chacune de trois membres désignés par tirage au sort. Les affaires peuvent être instruites avec l'aide des rapporteurs-adjoints.
C) Les autres attributions du Conseil constitutionnel
Saisi par le Gouvernement, le Conseil constitutionnel peut être amené à constater l'empêchement du Président de la République d'exercer ses fonctions.
En cas de circonstances exceptionnelles, liées à l'interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs publics, le Président de la République est tenu de consulter le Conseil constitutionnel sur les mesures qu'il prend en vertu de l'article 16 de la Constitution.
Le Conseil constitutionnel est en outre amené à se prononcer sur l'incompatibilité entre le mandat parlementaire d'un élu et ses autres fonctions. Il est saisi assez souvent à cet égard par le bureau de l'assemblée concernée.
Le Conseil constate, enfin, à la demande de l'assemblée concernée ou du Garde des Sceaux, la déchéance d'un parlementaire. Cette procédure a été de plus en plus souvent utilisée au cours des dernières années. Il ne faut pas cacher que cette évolution est en relation avec le développement des « affaires » politico-financières en France.

FORME ET EFFETS DES DECISIONS

Les décisions du Conseil constitutionnel, rendues en la forme juridictionnelle, ne sont susceptibles d'aucun recours. Aux termes de l'article 62 de la Constitution, elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. Depuis mai 1995, le nom des membres ayant assisté à la séance figure au bas de toutes les décisions. Celles-ci sont publiées au Journal officiel de la République française.

UNE POLITIQUE DE COMMUNICATION ET DE COOPERATION

Le Conseil constitutionnel s'attache à faire connaître son activité pour la rendre plus transparente : il le fait à travers son site internet (www.conseil-constitutionnel.fr), qui publie, comme il a été souligné, ses décisions en temps réel. Ce site fournit également un grand nombre d'informations sur ses missions, son organisation et aussi l'ensemble de ses activités extérieures. Par ailleurs le Conseil constitutionnel publie annuellement un recueil de toutes ses décisions ; les abstracts et résumés y sont traduits en langue anglaise. Il fait paraître également une revue semestrielle intitulée « Les cahiers du Conseil constitutionnel » ordonnées autour d'un thème juridique d'actualité et de la présentation d'une cour constitutionnelle étrangère ; y figurent également des commentaires de ses décisions récentes.
Il convient d'ajouter que le Conseil constitutionnel accueille de nombreux représentants de Cours constitutionnelles étrangères, d'enseignants et de chercheurs d'universités françaises ou étrangères, aussi bien que de personnalités diverses (parlementaires, etc…). Une coopération avec les deux Cours suprêmes françaises, le Conseil d'Etat et la Cour de Cassation permet d'enrichir les échanges avec les visiteurs étrangers.
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel français est très soucieux de participer à la réflexion et au travail commun des Cours constitutionnelles.
Il le fait en premier lieu dans un cadre européen : la Conférence des Cours constitutionnelles européennes (dont la XIIème conférence s'est tenue à Bruxelles en mai 2002) ou la « Commission de Venise », et notamment sa sous-commission « Justice constitutionnelle ». Celle-ci est à l'origine de la base de données « CODICES », où figurent désormais les principales décisions d'environ 70 Cours constitutionnelles, et qui est mise à jour chaque trimestre. Un colloque a réuni en septembre 1997, au siège du Conseil, les cours constitutionnelles de l'Union européenne sur le thème des rapports entre droit communautaire et droit constitutionnel.
Au-delà des cours européennes, le Conseil contribue activement à la vie de l'ACCPUF (association des cours constitutionnelles ayant en partage l'usage du français) créée en 1997. Le Conseil constitutionnel français, membre fondateur de l'ACCPUF, en est un des piliers, en raison de sa position au sein de la francophonie, mais aussi parce qu'il y abrite le secrétariat général (www.ACCPUF.org). Regroupant 40 cours constitutionnelles, dont 28 cours africaines, dont la caractéristique commune est l'appartenance à l'organisation intergouvernementale de la francophonie, l'association se révèle un lieu de dialogue, d'échanges et de formation. S'il fallait tenter de dégager l'inspiration commune qui anime les membres de l'ACCPUF, c'est de participation à la construction d'un Etat de droit qu'il conviendrait de parler.

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A l'aube du nouveau millénaire, déjà secoué par des événements dramatiques, le Conseil constitutionnel français, création récente et originale, a su trouver sa place dans l'équilibre institutionnel français. L'ouverture de sa saisine aux parlementaires en 1974, dans laquelle on a pu voir l'amorce d'un statut de l'opposition, s'est exprimée par une augmentation quantitative de son activité tout à fait importante. De 1959 à 1974, seulement 9 décisions sur le contrôle des lois ordinaires étaient intervenues, soit moins de une par an ; de 1975 à 2002 ce sont 444 décisions qui ont été rendues en cette matière, soit une moyenne de près de 15 par an. Plus encore, le contenu des décisions sur le fond a bouleversé le simple rôle de « gardien des frontières » que le constituant avait imaginé : créé pour contenir un Parlement trop puissant, le Conseil constitutionnel allait finalement réguler l'activité d'un exécutif activiste. Sous la Vème République, plus de 90% des lois sont en effet d'origine gouvernementale.
Ajoutant à son rôle éminent de régulateur de l'activité des pouvoirs publics, il a patiemment construit celui de protecteur des droits et libertés fondamentaux. Prenant appui sur les grands textes qui fondent la tradition des droits individuels exprimés dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, il les a complétés par l'affirmation des droits économiques et sociaux particulièrement nécessaires à notre temps, tels qu'ils ont été affirmés par le constituant de 1946 au lendemain de la seconde guerre mondiale. Plus encore il a su adapter un « bloc de constitutionnalité » parfois ancien (Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789) à l'évolution très rapide des moeurs et des techniques (on pense aux décisions concernant la bioéthique ou la communication audiovisuelle).
Ce bilan révèle un souci d'équilibre constamment réaffirmé entre le nécessaire respect des règles individuelles et celui de l'intêrèt général . Sans le nommer expressément c'est au concept de sécurité juridique, élément de la sûreté défini par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, que le Conseil se réfère expressément :
Ø L'exigence d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, dont le Conseil constitutionnel (décision du 16 décembre 1999) fait un «objectif de valeur constitutionnelle, se rapporte à cette notion. La loi doit être claire pour assurer la garantie des droits des citoyens
Ø De même, la sécurité juridique impose des exigences concernant l'élaboration de la loi. L'impératif de sincérité qui s'attache par exemple à l'examen des textes financiers (lois de finances et lois de financement de la Sécurité sociale) exigera que soit transmis en temps utile au Parlement les documents permettant une information correcte des parlementaires.
Ø De même, le Conseil a veillé à ce que l'usage du droit d'amendement en fin de procédure parlementaire ne dénature l'esprit bicamériste du parlementarisme français et ne permette au Gouvernement d'imposer ses vues en trompant la vigilance du Parlement.
Ø Enfin, le Conseil constitutionnel n'acceptera une disposition rétroactive que si elle est justifiée par un intérêt général suffisant et interdira purement et simplement la rétroactivité des dispositions pénales plus sévères.
Les exemples de ce souci de sécurité juridique pourraient être multipliés.
Cette fonction de protecteur des droits fondamentaux témoigne aussi et peut-être surtout de la convergence des Cours suprêmes nationales et européennes vers une conception universelle des valeurs démocratiques.
Au plan national on aurait pu imaginer des divergences de jurisprudence importantes, notamment avec les cours suprêmes judiciaire (Cour de cassation) et administrative (Conseil d'Etat). La première est proclamée par la Constitution (article 66) gardienne de la liberté individuelle, tandis que la seconde, le Conseil d'Etat, a depuis la fin du XIXème siècle, soumis le pouvoir exécutif dont elle contrôle les actes, au respect des libertés parfois définies de manière prétorienne. Force est de constater une grande convergence entre les jurisprudences de ces cours et du Conseil constitutionnel en matière de protection des droits fondamentaux.
Au plan européen et international, même si le Conseil constitutionnel ne contrôle pas la conformité des lois à la Convention européenne des droits de l'homme, ni de manière plus générale aux traités, on peut relever une convergence spontanée des droits garantis (et un catalogue très voisin des libertés et droits fondamentaux), comme des méthodes d'interprétation et de contrôle utilisés. A cet égard le Conseil constitutionnel français est partie prenante de ce nouveau dialogue, particulièrement intense depuis une quinzaine d'années, entre Cours suprêmes nationales et Cours européennes. Ce dialogue concourt à la construction de ce que l'on a pu appeler un « ordre public européen ».

EXTRAITS DE LA CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

Titre VII - Le Conseil Constitutionnel
Article 56 :
Le Conseil Constitutionnel comprend neuf membres, dont le mandat dure neuf ans et n'est pas renouvelable. Le Conseil Constitutionnel se renouvelle par tiers tous les trois ans. Trois des membres sont nommés par le Président de la République, trois par le Président de l'Assemblée Nationale, trois par le Président du Sénat.
En sus des neuf membres prévus ci-dessus, font de droit partie à vie du Conseil Constitutionnel les anciens Présidents de la République.
Le Président est nommé par le Président de la République. Il a voix prépondérante en cas de partage.
Article 57 :

Les fonctions de membre du Conseil Constitutionnel sont incompatibles avec celles de ministre ou de membre du Parlement. Les autres incompatibilités sont fixées par une loi organique.
Article 58 :
Le Conseil Constitutionnel veille à la régularité de l'élection du Président de la République.
Il examine les réclamations et proclame les résultats du scrutin
Article 59 :
Le Conseil Constitutionnel statue, en cas de contestation, sur la régularité de l'élection des députés et des sénateurs.
Article 60 :
Le Conseil Constitutionnel veille à la régularité des opérations de référendum et en proclame les résultats.
Article 61 :
Les lois organiques, avant leur promulgation, et les règlements des assemblées parlementaires, avant leur mise en application, doivent être soumis au Conseil Constitutionnel qui se prononce sur leur conformité à la Constitution.
Aux mêmes fins, les lois peuvent être déférées au Conseil Constitutionnel, avant leur promulgation, par le Président de la République, le Premier Ministre, le Président de l'Assemblée Nationale, le Président du Sénat ou soixante députés ou soixante sénateurs.
Dans les cas prévus aux deux alinéas précédents, le Conseil Constitutionnel doit statuer dans le délai d'un mois. Toutefois, à la demande du Gouvernement, s'il y a urgence, ce délai est ramené à huit jours.
Dans ces mêmes cas, la saisine du Conseil Constitutionnel suspend le délai de promulgation.
Article 62 :
Une disposition déclarée inconstitutionnelle ne peut être promulguée ni mise en application.
Les décisions du Conseil Constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.
Article 63 :
Une loi organique détermine les règles d'organisation et de fonctionnement du Conseil Constitutionnel, la procédure qui est suivie devant lui et notamment les délais ouverts pour le saisir de contestations.
…………………
Article 16 :
Lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la Nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacés d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances, après consultation officielle du Premier Ministre, des Présidents des assemblées ainsi que du Conseil Constitutionnel.
Il en informe la Nation par un message.
Ces mesures doivent être inspirées par la volonté d'assurer aux pouvoirs publics constitutionnels, dans les moindres délais, les moyens d'accomplir leur mission. Le Conseil Constitutionnel est consulté à leur sujet.
Le Parlement se réunit de plein droit.
L'Assemblée Nationale ne peut être dissoute pendant l'exercice des pouvoirs exceptionnels.
…………………………………….
Article 37 :
Les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire.
Les textes de forme législative intervenus en ces matières peuvent être modifiés par décrets pris après avis du Conseil d'Etat. Ceux de ces textes qui interviendraient après l'entrée en vigueur de la présente Constitution ne pourront être modifiés par décret que si le Conseil Constitutionnel a déclaré qu'ils ont un caractère réglementaire en vertu de l'alinéa précédent.
…………………………………..
Article 41 :
S'il apparaît au cours de la procédure législative qu'une proposition ou un amendement n'est pas du domaine de la loi ou est contraire à une délégation accordée en vertu de l'article 38, le Gouvernement peut opposer l'irrecevabilité.
En cas de désaccord entre le Gouvernement et le Président de l'assemblée intéressée, le Conseil Constitutionnel, à la demande de l'un ou de l'autre, statue dans un délai de huit jours
…………………………………..
Article 54 :
Si le Conseil Constitutionnel, saisi par le Président de la République, par le Premier Ministre, par le Président de l'une ou l'autre assemblée ou par soixante députés ou soixante sénateurs, a déclaré qu'un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l'autorisation de ratifier ou d'approuver l'engagement international en cause ne peut intervenir qu'après révision de la Constitution.

SUMMARY

The French Constitutional Council was created by the Constitution of the Fifth Republic on 4 October 1958. It is a recent institution in France, though such constitutional courts had already existed in Europe since the 1920s and had become even more common after the second world war. The idea of judicial review for constitutionality of Acts of Parliament is something of a novelty in France; the idea was long rejected on grounds of the absolute sovereignty of Parliament as the "expression of the will of the people".

The Constitutional Council is made up of nine members appointed for a non-renewable term of nine years to guarantee their independence. Three members are appointed by the President of the Republic, who also designates the President of the Council, three by the Speaker of the National Assembly and three by the Speaker of the Senate. Former Presidents of the Republic are ex officio members for life; in practice the only one still alive at the moment is a Member of Parliament, which is a function incompatible with membership of the Council. Members have a very strict duty of discretion and are subject to several forms of incompatibility (office of Minister, Member of Parliament, member of local elective councils, Member of the Economic and Social Council and so on. And the incompatibilities that apply to Members of Parliament also apply to Members of the Council). On the other hand a Member of the Constitutional Council can hold a post of University Professor. The Constitution does not require a legal qualification or professional experience; in practice, however, most members of the Constitutional Council since its creation have been lawyers (judges in the ordinary or administrative courts, advocates, professors of law) and many of them have had important political responsibilities (Members of Parliament, Ministers…).

Originally, its powers were considered as limited : in the new Constitution of 1958, its main function was to guarantee respect for the frontier between matters to be governed by Acts of Parliament and matters for executive regulation. It was also responsible for monitoring presidential and parliamentary elections. At the time only four authorities were entitled to apply to the Council for constitutional review of an Act of Parliament - the President of the Republic, the Prime Minister and the Speakers of the two Houses of Parliament.

Nobody foresaw that France's Constitutional Council, like Constitutional Courts elsewhere in Europe or America, would come to occupy the predominant place it now has in the country today.

The Council's emergence as guarantor of the legislature's observance of fundamental rights secured by the Constitution came about in two successive stages.

Firstly, in a leading decision of 1971 concerning freedom of association, it held that the Preamble to the Constitution of 1958, which refers to the Declaration of Human and Civic Rights of 1789 and the Preamble to the Constitution of 1946, had mandatory legal status, even though until then many legal authorities and the draftsmen of the Constitution regarded these principles as mere affirmations carrying no direct impact.

The second stage was in 1974, when the Constitution was amended to extend to sixty Members of Parliament or sixty Senators the right to challenge an ordinary Act of Parliament as unconstitutional. This amendment had an immediate effect on the number of enactments referred. It provided the opposition with a means of developing arguments to challenge the constitutionality of laws of which it disapproved.

Today the Constitutional Council is known through its two main functions: control of the regularity of national elections and constitutional review. Its role is more important in the case of Presidential elections and referendums, where it exercises both advisory and judicial jurisdiction. It is consulted by the government on the whole process of organising elections (timetable, nomination forms, verifying the five hundred signatures that each candidate has to gather from elected representatives, the actual balloting and so on). It hears complaints and declares the results of the vote. After that, in the following months the Council approves or rejects candidates' campaign accounts. In this last case, the candidate is not declared ineligible but loses his entitlement to reimbursement of expenses personally incurred. In parliamentary elections the Constitutional Council intervenes only to control the regularity of an election after the event but it has no advisory role. In the event of important irregularities it may order the total cancellation of the votes and a new ballot then takes place. The procedure is adversarial.

But the primary function of the Constitutional Council is still the very specific constitutional review of Acts of Parliament; it occurs before Acts take effect (after being passed by Parliament but before being promulgated by the President of the Republic). A statute that is found unconstitutional cannot be promulgated; if only certain provisions have been declared unconstitutional and not unseverable from the statute, the statute is promulgated without these provisions. This is actually the most common practice. Another possibility frequently used by the Council is the declaration of constitutionality subject to "qualified interpretation"; the Council will declare a provision is to be interpreted for it to be constitutional. The procedure is informal, mostly written, adversarial but secret (though since 1995 some procedural documents have been published with the decision in the Journal officiel de la République française).

Constitutional review rests on the application of parameters to which laws are required to conform. They constitute what has often been called the "bloc de constitutionnalité": the Constitution itself and its Preamble, which, as we have seen, makes reference to the Declaration of Human and Civic Rights and to the Preamble to the Constitution of 1946, which in turn refers to the "the political, economic and social principles especially necessary to our times" and "the fundamental principles recognised by the laws of the Republic". They include freedom of association, individual freedom, freedom of conscience, freedom to come and go, dignity of the human person and many others. Affirming these principles through many decisions, the French Constitutional Council has become a real protector of fundamental rights of the people.

Apart from Acts of Parliament, the Constitutional Council can also review a treaty for constitutionality and may declare that the Constitution must be amended before the treaty can be ratified. This was the case for the European Treaties of Maastricht and Amsterdam and for the Treaty of Rome creating an International Criminal Court.

According to the Constitution its decisions have judicial status and are binding on public authorities and on all administrative and judicial bodies (no appeal lies from its decisions). It can consequently be said that its place in the nation's institutional structure is now assured, and it is further possible to note that both by its case law and by its dialogue in bilateral and multilateral cooperation with foreign Constitutional Courts, it participates in the construction of a "European public order".